Je te propose de partir à la découverte d’un oiseau que l’on croise facilement dans nos maisons, car c’est un animal de compagnie très apprécié. Pourtant, il vient de l’autre bout du monde : il vit en Australie. Ça te dit d’aller le rencontrer chez lui ? Je prends les jumelles, attrape tes chaussures de marche et un chapeau !
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Un désert plein de vie, au pied d’Uluru
Nous voici dans le Territoire du Nord, l’une des grandes régions qui recouvrent le centre et le Nord de l’Australie, une île aussi grande qu’un continent ! Alors que cette région représente près d’un sixième de la surface totale de l’île, on estime qu’il y a moins d’un habitant au kilomètre carré qui y habite. Si les humains se font rares, d’autres animaux, en revanche, se plaisent beaucoup. Tout autour de nous, c’est le désert. Mais nous ne sommes pas en pleine saison sèche ; une petite écharpe et un pull ne sont pas de trop. Tu as vu ? Le sable et le sol sont bruns, presque rouges. Je sais que c’est tentant d’en ramener en souvenir, mais c’est interdit. La terre est sacrée pour les Aborigènes qui habitent ces lieux, et prendre un peu de ce sol, c’est un peu comme voler un bout de l’âme du lieu, et de leurs ancêtres qui vivaient ici. On se contentera donc de le regarder !
Et tu as vu ? Même si on est en plein désert, il y a plein de végétation. Des herbes hautes, et des petits arbustes et buissons poussent un peu partout. Ce n’est pas l’image que l’on se fait d’un désert. Ici, on l’appelle le bush, et il regorge de vie. La pluie y est rare, c’est vrai, mais elle tombe parfois. D’ailleurs, il a beaucoup plu hier. Des flaques d’eau se sont formées au sol. Tiens, regarde, tous les petits oiseaux qui s’y sont regroupés pour boire et se baigner. Ce sont des diamantsdiamants mandarins. Ils ne sont pas plus gros que nos moineaux, mais on les entend de loin ! Laissons-les à leur bain et suivons le chemin qui contourne ce bosquet plus loin. Et nous voilà arrivés ! Ce gigantesque rocher de grèsgrès qui se dresse devant nous, c’est Uluru, l’un des sites sacrés des Aborigènes. Les colons l’avaient appelé Ayers Rock, le rocher Ayers, du nom d’un ancien premier ministre des années 1870, mais depuis 1983, son nom d’origine est utilisé de nouveau. C’est mieux, non ? C’est un endroit où les Aborigènes s’adonnent encore à des rites et des cérémonies secrètes. Il est interdit de les prendre en photo, pour respecter leurs croyances et leurs traditions. Un sentier permet de faire tout le tour du rocher. Ouvrons l’œilœil et tendons l’oreille.
De drôles de perruches punks aux joues rouges
Oh, regarde, les voilà ! Elles sont bien 30 à 40, posées sur les branches de ce petit arbuste. D’autres boivent dans une flaque au sol. Ce sont des calopsittes élégantes, de leur nom latin Nymphicus hollandicus ! Hollandicus, fait référence à la Nouvelle-Hollande, un nom utilisé un temps pour désigner l’Australie, puisque de nombreux colons venus de plusieurs pays d’Europe, comme la Hollande, s’y sont installés. Ce sont les Européens qui ont nommé la calopsitte ainsi, quand l’espèceespèce a été décrite au XVIIIe siècle. Elle est devenue très populaire en Europe, grâce au travail de John et Elizabeth Gould, qui ont publié plusieurs livres illustrés sur les oiseaux d’Australie, dès 1848.
De la taille de petites tourterelles, ces mini-perroquets sont facilement reconnaissables à leur crête de plumes fièrement dressée sur le dessus de leur front, et leurs joues décorées d’un cercle rouge… comme Pikachu ! Leur crète et leur tête sont colorées en jaune clair pour les adultes, gris pour les juvéniles, alors que leur corps est gris, et le bas de leur ailes tout blanc. Ce sont les plus petites représentantes de la famille des cacatoès, ces perroquets originaires d’Océanie, qui ont tous une crête de punk sur la tête.
Plein de cris différents pour se passer le mot
Et comme tu peux le remarquer, elles ont des choses à se dire ! Ces oiseaux utilisent plein de cris différents pour s’appeler, se prévenir, se retrouver. Il y a des cris de contacts pour se localiser, des cris d’alarme en cas de danger, et plein d’autres qu’on ne connaît pas encore très bien. Mais chaque individu a sa voix et produit des cris qui lui sont uniques… Les calopsittes, comme tous les perroquets, sont des animaux sociaux. Elles forment des couples fidèles sur la duréedurée, et se regroupent en bandes, comme celle que l’on peut voir ici. Vivre à plusieurs, c’est pratique pour surveiller l’arrivée d’un prédateur, et donner l’alerte pour se sauver ! Un cri suffit et tout le monde file se mettre à l’abri ! De la même façon que les perroquets gris du Gabon que je t’avais emmené· découvrir dans une expédition précédente, les calopsittes modifient la structure de leur groupe au fur et à mesure de la journée et de leurs activités. Certaines partent manger à un endroit, d’autres ailleurs, et elles se retrouvent toutes pour boire et dormir, le soir venu. On parle de groupe en fissionfission–fusionfusion.
Les parents pondent dans un trou d’arbresarbres et élèvent plusieurs petits, 4 à 6 en général, en se relayant. Même après avoir quitté le nid, ils restent un moment avec les adultes, avant de rejoindre des groupes d’adolescents, pour apprendre à se débrouiller tout seuls ! Pour repérer les animaux qui ont tissé des liens, regarde bien : ce sont ceux qui se tiennent côte à côte, et qui se toilettent mutuellement, en se passant le becbec dans les plumes. Trop mignon !
Des oiseaux de compagnie très populaires
Les calopsittes sauvages, si elles ne sont pas menacées, ne sont pas toujours bien vues. Elles adorent les graines, et, comme tu peux l’imaginer, ça ne fait pas forcément très plaisir aux agriculteurs qui les retrouvent dans leur champ …Mais, heureusement pour elles, avec leur bille de clown et leur houpette, elles ont un très fort capital sympathiesympathie. Figure-toi qu’avec la perruche ondulée, plus petite et sans crête, mais aussi australienne, la calopsitte élégante est l’oiseau que l’on retrouve le plus comme oiseau de compagnie. Elle a été élevée en Europe dès la fin des années 1800. Les éleveurs ont même croisé des oiseaux pour obtenir des couleurscouleurs différentes de celles des oiseaux sauvages. On parle de mutations. Il y a les faces blanches, qui n’ont plus de taches rouges sur les joues et dont le corps est tout gris, les lutinos, qui sont jaune clair et blanc, sans gris sur les ailes, ou encore les opalines, qui arborent des taches jaunes et grises sur les ailes, sous forme d’un joli motif.
Les calopsittes s’apprivoisent très bien, se reproduisent facilement, et elles aiment les gratouilles. Elles sifflent et chantent chez les mâles (son) et elles peuvent imiter la voix humaine. Attention, cependant, comme je te l’ai dit, les calopsittes sont sociales, et ce n’est pas bon pour elles d’être seules avec des humains. Il leur faut des copains-copines, idéalement de leur espèce pour être complètement épanouies !
Pour elles, les congénères sont super importants, et les liens tissés entre individus le sont tout autant !
Une vie en groupe propice à l’empathie
Bien que les calopsittes soient des animaux de compagnie répandus et populaires, peu d’études scientifiques se sont penchées sur leur comportement. La plupart d’entre elles décrivent comment choisir des partenaires qui feront de bons parents pour lancer un élevage, ou comment les soigner et faire progresser la médecine vétérinairevétérinaire. Pourtant, leur vie en groupe en fait de très bons modèles, pour décortiquer les liens qu’elles tissent entre elles et la façon dont elles s’entraident.
Une calopsitte tente de reproduire la chanson que lui enseigne son humaine. © YouTube, Rumble Viral
Je ne te l’ai pas encore raconté mais il se trouve que j’aime beaucoup les calopsittes car, par le passé, quand je faisais de la recherche en éthologieéthologie, j’ai passé beaucoup de temps avec elles. Au laboratoire de Nanterre où j’ai réalisé ma thèse pendant 4 ans, je me suis intéressée aux premiers niveaux d’empathieempathie chez ces oiseaux. L’empathie, c’est la capacité à comprendre les émotions des autres, et à y répondre de manière adaptée. Par exemple, si tu vois un ami pleurer, tu vas essayer de le consoler. Mais le tout premier niveau d’empathie, le plus simple, c’est la contagion émotionnelle. Par exemple, si je me mets à bâiller, il y a de fortes chances que tu te mettes à bâiller aussi. Pourtant tu n’es pas en train d’analyser mes émotions et mes ressentis ! C’est automatique !
On a pu observer ce bâillementbâillement contagieuxcontagieux, chez plusieurs animaux, des singes notamment. Les chienschiens, eux, bâillent même quand ils voient leur humain bâiller alors qu’ils appartiennent à deux espèces différentes. C’est fou, non ? Lors de l’expérience, avec mes collègues, nous avons diffusé à chaque oiseau trois sons différents : le cri d’un oiseau dont ils sont proches – leur meilleur ami ou leur partenaire de couple par exemple ; le cri d’un oiseau avec qui ils vivent au quotidien mais avec lequel ils ne sont pas particulièrement copains ; et un son artificiel appelé bruit blancbruit blanc , qui est aussi fort, mais qui ne traduit pas d’émotion, contrairement aux cris.
Des perruches sensibles qui nouent des liens solides
En filmant les comportements des oiseaux pendant la diffusiondiffusion des sons, nous avons regardé les mouvementsmouvements de leur crête, s’ils criaient, bougeaient beaucoup ou s’approchaient du haut-parleur. Les résultats montrent que les calopsittes ne réagissent pas de la même façon selon le signal : elles sont plus actives et plus attentives, avec la crête bien dressée sur leur tête quand elles entendent le cri de l’oiseau dont elles sont proches. Pourtant, ces cris sont censés faire fuir tous ceux qui les entendent, sans distinction. On pourrait penser que les oiseaux répondent pareil quel que soit le cri. Mais ce n’est pas le cas. Le lien qui unit celui qui crie et celui qui l’entend a des conséquences sur son comportement !
Cette étude, en plus de révéler que ces petits oiseaux ont une vie émotionnelle riche, montre qu’il existe des façons simples de mesurer les ressentis des autres animaux. Juste en observant à quel point la crête des calopsittes se hérisse permet de deviner comment elles se sentent. Cela va dans le même sens que d’autres expériences plus récentes, menées chez des perroquets, des vautours et des poules, qui prouvent que les oiseaux ont la peau du visage qui rougit selon leurs émotions ! Avec ces informations précieuses, il sera plus facile de mesurer le bien-être de ces animaux, et de mieux les comprendre. Car oui, même les oiseaux peuvent être à fleur de plumes !