Un télescope de la Nasa a débusqué un trou noir caché par un autre

Au centre de la galaxie lointaine baptisée OJ 287 ne se cachent pas seulement un, mais plutôt deux trous noirs. Plusieurs équipes de chercheurs le pensaient. Et Tess (Transiting Exoplanet Survey SatelliteTransiting Exoplanet Survey Satellite), le chasseur d’exoplanètes, vient de le confirmer en renvoyant une rare preuve observationnelle de l’existence d’un trou noir en orbite d’un autre, cent fois plus grand.

Un trou noir trahi par un éclair de lumière

Selon la théorie, lorsqu’un petit trou noir tourne autour d’un plus grand, ce dernier émet périodiquement des éclairséclairs de lumière. Des chercheurs de l’université du Turku (Finlande) avaient calculé que le phénomène devrait se produire du côté de la galaxie OJ 287 vers la fin de l’année 2021. Ils ont donc pointé Tess dans sa direction. Et le 12 novembre 2021 à 3 heures du matin, c’est très précisément ce que le satellite a enregistré. Le télescope Swifttélescope Swift et d’autres instruments l’ont confirmé.

Dans The Astrophysical Journal, les chercheurs montrent que cet éclair de lumière, qui n’a pas duré plus de 12 heures, provenait bien du plus petit des deux trous noirs. Parce qu’à ce moment-là, il a englouti une grande part du disque d’accrétion du plus grand des deux trous noirs, le transformant en un jet de gazgaz dirigé vers l’extérieur du système. Le jet du petit trou noir est alors devenu plus brillant que celui du grand. De quoi rendre son image temporairement moins rouge.

Ils ont « vu » un petit trou noir pour la première fois

« Nous pouvons maintenant dire que nous avons “vu” un trou noir en orbite pour la première fois, de la même manière que nous pouvons dire que Tess a vu des planètes en orbite autour d’autres étoiles », racontent les astronomesastronomes dans un communiqué. « Il faudra probablement encore beaucoup de temps avant que nous soyons en mesure d’en capturer une véritable image, mais ce petit trou noir pourrait bientôt révéler son existence par d’autres moyens. » Par la détection qui devrait bientôt devenir possible, d’ondes gravitationnelles nanohertz, par exemple.


On a observé directement un trou noir supermassif en orbite autour d’un quasar

Article de Laurent SaccoLaurent Sacco, publié le 08/06/2023

Les grandes galaxies contenant des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs peuvent former des trous noirs supermassifs binairesbinaires lorsqu’elles fusionnent. L’un des plus connus est aussi un quasarquasar, OJ287. On vient de détecter directement par ses émissionsémissions propres le trou noir le plus léger en orbite autour de ce quasar. C’est une première, auparavant les preuves étaient plus indirectes.

Une équipe internationale d’astrophysiciensastrophysiciens, via un article dans Monthly Notices of the Royal Astronomical Society, vient de remettre sur le devant de la scène un déjà célèbre quasar responsable de l’existence d’un noyau actif de galaxiesnoyau actif de galaxies parmi les plus étudiés et les mieux compris. Il se trouve dans la direction de la constellation du Cancerconstellation du Cancer à une distance d’environ 3,5 milliards d’années-lumièreannées-lumière de la Voie lactéeVoie lactée et ses éruptions lumineuses sont observées par les astronomes depuis 1888.

Techniquement, il s’agit d’un type de galaxie active nommé d’après l’objet typique BL Lacertae. Ce dernier est même un blazar (en anglais : blazing quasi-stellar radiosource, que l’on peut traduire par « source radio flamboyante quasi stellaire »)), ce qui veut dire qu’il s’agit d’un trou noir supermassif dont le jet de matièrematière et son rayonnement sont dirigés presque vers nous.

Un quasar de 18 milliards de masses solaires

C’est aussi le cas de OJ 287, mais ce qui fait la particularité du trou noir supermassif en mode blazarblazar dont parle l’article de MNRAS, disponible sur arXivc’est que d’une part c’est l’un des plus massifs observés, puisqu’il contient environ 18 milliards de massesmasses solaires, mais son autre particularité est qu’il forme un trou noir supermassif binaire avec un autre trou noir également supermassif mais ne contenant que 150 millions de masses solaires (celui de la Voie lactée en contient un peu plus de 4 millions) et qui est en orbite très rapprochée autour de lui.

En effet, le second trou noir ne met que 12 ans pour boucler cette orbite mais celle-ci est inclinée au-dessus du plan du disque d’accrétion entourant le trou noir principal et elle subit un mouvementmouvement de précessionprécession comme dans le cas de MercureMercure autour du SoleilSoleil du fait de la théorie de la relativité généralerelativité générale. Le petit trou noir passe donc deux fois à travers le disque d’accrétion pendant une période de 12 ans mais à des dates qui peuvent être espacées de un à dix ans et ce, depuis des décennies que l’on observe, comme on peut s’en convaincre en regardant la vidéo ci-dessous.

À chaque passage dans le disque d’accrétion, il se produit une brusque éruption qui fait quadrupler la brillance du quasar pendant quarante-huit heures, ce qui est supérieur à la luminositéluminosité de la Voie lactée, et c’est donc ce que l’on observe depuis 1888.


Cette animation montre la trajectoire du trou noir autour du trou noir supermassif derrière le quasar OJ 287. Elle traverse plusieurs fois un disque d’accrétion vu par la tranche (edge-on) et chaque traversée donne lieu à une brusque éruption produisant une tout aussi brusque augmentation de la luminosité du quasar et ce, depuis au moins les années 1900, comme le montre le graphique à droite de l’animation. © Nasa, Spitzer

Comme l’explique un communiqué de l’Université de Turku, en Finlande, cela fait environ 40 ans que l’un de ses membres, l’astronome finlandais Aimo Sillanpää, avait remarqué une double périodicité dans les émissions de OJ 287, l’une d’environ 12 ans et la plus longue d’environ 55 ans. On pense aujourd’hui que le cycle le plus court est le cycle orbital du trou noir le plus léger et le plus long résultant d’une évolution lente de l’orientation de l’orbite.

Le mouvement orbital est donc révélé – mais indirectement – par une série d’éruptions qui surviennent lorsque le trou noir secondaire plonge régulièrement à travers le disque d’accrétion du trou noir primaire, produisant au passage une bulle de matière chaude en expansion mettant des mois à se refroidir tout en brillant comme un milliard d’étoilesétoiles pendant deux semaines.

Les signatures d’un disque d’accrétion et d’un jet de matière transitoires

Jusqu’à présent, on ne pouvait pas voir de signaux dans le rayonnement émis qui soit en quelque sorte directs et propres à chaque trou noir supermassif de ce système binairesystème binaire. Mais tout a changé de 2021 à 2022 grâce à une campagne d’observation menée par Staszek Zola de l’Université Jagellonne de Cracovie, en Pologne. Zola et son équipe ont observé pendant vingt-quatre heures seulement une grande éruption accompagnant juste le « splash » du trou noir léger à travers le disque d’accrétion du trou noir principale, splash produisant 100 fois plus de lumière qu’une galaxie entière.


Une autre présentation du trou noir binaire. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa, JPL, Abhimanyu Susobhanan (Tata Institute of Fundamental Research)

C’est parce que ce genre d’événement ne dure qu’une journée qu’il n’avait pas été surpris auparavant, mais comme les astrophysiciens avaient réussi à particulièrement bien modéliser la trajectoire du trou noir en orbite autour du blazar, ils savaient quand se produirait le prochain passage à travers le disque d’accrétion.

Le flashflash de lumière produit est tout simplement celui de la matière arrachée au disque et tombant en direction de petit trou noir pour former là aussi un disque d’accrétion lumineux et chaud, bien que transitoire. Il s’agissait donc d’une émission de lumière directement connectée à ce trou noir, une observation faite pour la toute première fois.

Un deuxième flash, dans le domaine gamma et observé par le télescope Fermi de la NasaNasa, provient lui de l’impact du jet transitoire produit par le disque d’accrétion du trou noir léger. Jet qui est entré en collision avec le disque d’accrétion du blazar, ce qui a conduit à l’émission de photonsphotons gamma.

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