Le concept d’ascenseur spatial remonte aux années 1950. Il s’agit de relier directement la surface terrestre à une orbite précise via un immense câble de plusieurs milliers de kilomètres maintenu tendu par la force centrifuge due à la rotation de la Terre sur elle-même. L’idée est ensuite de pouvoir rejoindre cette orbite plus facilement et bien plus économiquement qu’avec un lanceur spatial traditionnel.
La société Obayashi Corporation planche depuis des années sur un projet d’ascenseur spatial. Un premier projet devrait commencer à voir le jour, en recherche et développement, dès 2025. Finalement, le projet serait repoussé à 2050. Le problème numéro un sera de trouver le bon matériau à utiliser. Sur le papier, les minuscules nanotubes de carbone ont toutes les propriétés requises, mais pour l’instant, personne n’a réussi à en assembler l’équivalent de plus de deux pieds (60 cm).
Il faudra aussi que le câble soit suffisamment résistant pour supporter la tension à laquelle il sera soumis, sans même parler des phénomènes climatiques comme les oragesorages ou les tornadestornades qu’il faudra peut-être parfois affronter. Il y a donc encore beaucoup de pain sur la planche avant de voir un câble déroulé jusque dans l’espace, même si sur le papier le projet est extrêmement intéressant.
Un projet plus économique et écologique
Plutôt que d’utiliser une fuséefusée, les humains et/ou les marchandises seraient amenées en orbite via des véhicules électromagnétiques appelés « grimpeursgrimpeurs », ne nécessitant pas de carburant mais alimentés par exemple par l’énergieénergie solaire. Autre avantage : il n’y aurait pas de risques d’explosion avec une telle technologie.
Reste à savoir s’il sera donc réellement possible de construire un tel « ascenseurascenseur » qui pourrait également être utile pour rallier un jour Mars, en réduisant le temps de voyage à moins de trois mois, contre près de neuf comme c’est envisagé actuellement.
Ce projet pharaonique multiplie évidemment les défis technologiques, en plus d’être estimé à près de 100 milliards de dollars. Le câble pourrait n’être opérationnel qu’en 2050. Pour rappel, Obayashi Corporation est à l’origine de la Tokyo Skytree, une gigantesque tour de radiodiffusion de 634 mètres de haut (soit deux fois la tour Eiffel)) inaugurée en 2012.
Un architectearchitecte anglais a reçu le Grand Prix du concours de la fondation Jacques Rougerie pour son concept d’ascenseur spatialascenseur spatial. Un concept vieux comme le monde qu’il a remis au goût du jour. Au programme : une exploration spatiale durable et moins coûteuse.
Article de Camille AuchèreCamille Auchère, publié le 24 janvier 2024
Vous auriez tort de réduire le concept d’ascenseur spatial à un fantasme d’écrivain lunatique. Preuve que Roald Dahl (Charlie et la chocolaterie) et Arthur C. Clarke (Les Fontaines du paradis) n’étaient pas (seulement) des rêveurs : la fondation Jacques Rougerie, qui soutient les innovations architecturales et organise tous les ans un prestigieux concours, vient de récompenser un jeune architecte anglais de 30 ans, Jordan-William Hughes, pour son projet Ascensio. Un travail qui « explore la perspective de combiner un ascenseur spatial partant d’une plateforme basée sur l’océan avec un port spatial polyvalent, et ce dans le but d’offrir une porteporte d’entrée plus accessible et durable sur l’exploration spatiale et le tourisme », salue la fondation sur son site InternetInternet.
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Un projet plus durable et accessible
Le système comprendrait donc une plateforme maritime mobilemobile servant de port de départ, reliée par un câble à une station spatialestation spatiale en orbite géostationnaireorbite géostationnaire à 36 000 kilomètres d’altitude. La plateforme pourrait se déplacer, et une nacelle transporterait des passagers ou des cargaisons. Le projet vise à éviter l’utilisation de fusées lourdes, coûteuses et polluantes. Si le projet Ascensio n’est pas immédiatement réalisable, son créateur est tout de même confiant dans son potentiel futur.
Le principal défi reste maintenant d’élaborer un câble à base de nanotubes de carbone – le matériau le plus prometteur – qui soit suffisamment résistant. © Fondation Jacques Rougerie, Jordan-Williamm Hugues
De nombreux défis technologiques
Certains scientifiques – notamment les membres de l’International Space Elevator Consortium (Isec) – n’ont d’ailleurs pas peur de dire qu’un tel projet pourrait se concrétiser d’ici à 2050. Le principal défi : le câble reliant la plateforme au contrepoids. La Spaceward foundation, soutenue par la NasaNasa, a d’ailleurs lancé un concours pour développer une fibre en nanotubes de carbone suffisamment résistante. En 2018, un article paru dans la revue Nature Nanotechnology faisait déjà état d’une nanofibre développée par des chercheurs chinois, pesant seulement 1,6 gramme par cm3 et capable de supporter un poids de 800 tonnes sur 1 cm3, dépassant ainsi la résistancerésistance du Kevlar de dix fois. Reste que c’est encore trop peu pour emporter un ascenseur plein jusque dans l’espace.
Un projet vieux de plus de 200 ans !
Le projet n’est pas le premier à faire du bruit : en 2018, des chercheurs japonais de l’université de Shizuoka avaient prévu de tester une version miniature d’un ascenseur spatial à bord de la Station spatiale internationaleStation spatiale internationale (ISS) via un cargo de ravitaillement H-2B. Le prototype consiste en deux nano-satellites de 10 centimètres reliés par un câble de 10 mètres, avec une petite cabine effectuant des allers-retours. Ce petit ascenseur avait finalement été testé avec succès entre deux satellites, même si l’entreprise Obayashi Corp a plus tard concédé que les défis technologiques étaient trop nombreux pour espérer répéter la prouesse à grande échelle.
Ascensio vient donc relancer le projet, inventé en 1895 par le scientifique russe Konstantin Tsiolkovsky dans son œuvre intitulée L’Exploration de l’espace cosmique par des moyens réactifsréactifs. Dans cette publication, Tsiolkovsky a décrit une tour qui pourrait être utilisée pour atteindre l’espace. Son idée impliquait une structure s’élevant de la surface de la Terre jusqu’à une altitude géostationnaire, permettant ainsi des voyages spatiaux sans l’utilisation de fusées traditionnelles.