La découverte théorique de l’existence des antiparticules a été faite par Paul DiracPaul Dirac à la fin des années 1920. À cette époque, il cherchait à marier la théorie quantique et la théorie de la relativité restreinte pour décrire les particules chargées connues, à savoir les électrons et les protons. Cette découverte est sans doute l’une des plus belles corroborations, au sens de Karl Popper, des idées de Platon sur les mathématiques, à savoir que nous ne créons pas les mathématiques et qu’ils sont un des ingrédients fondamentaux de la structure du CosmosCosmos, comme le pensent beaucoup de chercheurs tels Heisenberg, Penrose et Alain Connes.
En effet, l’équation envisagée par Dirac pour ce mariage possédait deux solutions de signes opposées pour l’énergieénergie d’un électron relativiste. Presque sur cette seule base mathématique, Dirac en avait déduit qu’il devait exister de nouvelles particules de charge également opposées à celle d’un électron. En fait, pour lui, ces particules n’étaient pas vraiment nouvelles, mais étaient probablement les protons, bien que le fait que ceux-ci soient presque 2 000 fois plus massifs que les électrons ne lui avait pas échappé.
C’est à tout juste 26 ans, en 1928, que Paul Dirac formule l’équation qui porte son nom. Et il lui a fallu une année entière pour y parvenir ! Dans ce 9e épisode des équations Clefs de la physique, découvrez l’histoire de l’équation de Dirac, qui permit de prédire l’existence de l’antimatière… Une véritable révolution ! © CEA
La propagation de l’antimatière dans la Voie lactée
C’est en fait Oppenheimer qui comprend le premier qu’il doit exister des antiélectrons, appelés aujourd’hui des positronspositrons (parfois des positons), que l’on finira d’ailleurs par découvrir dans les rayons cosmiquesrayons cosmiques en 1932 grâce aux travaux de Carl Anderson. Les physiciensphysiciens vont rapidement comprendre qu’il doit exister, pour chaque particule chargée, une antiparticule et, au cours des années 1950, ils vont démontrer que tel est bien le cas, notamment avec la découverte de l’antiproton en 1955 par Emilio Segrè, Clyde Wiegand, Edward Lofgren, Owen Chamberlain et Thomas Ypsilantis.
Il est bien connu que les rayons cosmiques ont été découverts en 1912 par le physicien autrichien Victor Franz Hess (1883-1964), ce qui lui vaudra la moitié du prix Nobel de physiquephysique en 1936, l’autre moitié ayant été attribuée à Carl Anderson pour sa découverte du positron. Les rayons cosmiques sont des particules subatomiques constituées principalement de protons, de noyaux d’héliumhélium, mais aussi de certains éléments plus lourds, comme l’oxygèneoxygène, le carbonecarbone, l’azoteazote ou encore le ferfer. Le SoleilSoleil et les autres étoilesétoiles émettent des rayons cosmiques de relativement faible énergie, tandis que les rayons cosmiques d’énergie moyenne et haute proviennent très probablement des supernovae en relation avec le mécanisme d’accélération de Fermi.
Dans le cas des rayons cosmiques ordinaires provenant d’au-delà du Système solaireSystème solaire, on observe généralement ces particules à basse énergie provenir de toute la voûte céleste, sans direction préférée. C’est conforme à la thèse selon laquelle ces particules sont déviées chaotiquement par les champs magnétiqueschamps magnétiques turbulents et tout aussi chaotiques au moins de notre GalaxieGalaxie et qu’ils effectuent techniquement ce que l’on appelle une marche au hasard stochastiquestochastique (il existe une exposition fameuse de ce genre de phénomène que l’on doit au prix Nobel Chandrasekhar) – comme celle d’un homme ivre, effaçant donc toute trace de la zone originale d’émissionémission (voir également le cours de Feynman sur le mouvement brownien).
L’énorme télescope Cherenkov CT5 de la gamme de télescopes H.E.S.S. danse avec les plus petits CT3 (à gauche) et CT2 (à droite). Cette vidéo fait partie d’un journal de voyage intitulé Journey to H.E.S.S., qui relate les célébrations de H.E.S.S. II est en Namibie en septembre 2012. L’idée de ce blog était de créer une collection de nouveaux documents sur les télescopes H.E.S.S. qui mélange photos, graphismes, vidéos et nouveaux médias. © Helmholtz Alliance For Astroparticle Physics
Des rayons cosmiques trahis par le rayonnement Cherenkov
Il existe des rayons cosmiques de très haute énergie, dont on peut s’attendre à ce qu’ils soient beaucoup moins déviés par les champs magnétiques et que l’on puisse donc en déduire la provenance, ayant voyagé presque en ligne droite de la source aux noyaux de la haute atmosphèreatmosphère avec lesquels ils entrent en collision. Les rayons gammarayons gamma n’étant pas chargés, ils peuvent aussi se propager presque en ligne droite et trahir des sources très énergétiques, illustrant donc ce que l’on appelle l’astronomie gamma.
Dans tous les cas, il se produit des créations de paires de particules et d’antiparticules qui, soit par leur rayonnement, soit en entrant en collision avec d’autres noyaux de l’atmosphère, vont créer une gerbe de particules secondaires en cascade jusqu’au sol. Ces gerbes peuvent s’accompagner de rayons gamma et, plus généralement, donnent naissance à ce que l’on appelle le rayonnement Cherenkov, un rayonnement bleuté qui est une sorte d’onde de choc électromagnétique produite par des particules chargées énergétiques dans un milieu matériel, comme l’airair ou l’eau entourant les réacteurs nucléaires.
Il est possible, bien que difficile voire très difficile, de remonter à la nature des particules primaires atteignant la Terre à partir de l’étude du rayonnement Cherenkov émis par les particules secondaires des gerbes de rayons cosmiques. C’est ce que les astrophysiciensastrophysiciens des particules font depuis des décennies avec des instruments comme le High Energy Stereoscopic System (H.E.S.S.), un site de cinq télescopestélescopes en Namibie pour l’étude des sources cosmiques. Les principaux contributeurs à cette collaboration internationale sont le CNRS en France, un consortium d’universités allemandes et le Max-PlanckPlanck-Institut für Kernphysik en Allemagne.
Aujourd’hui, les chercheurs de cette collaboration ont fait savoir que dans les données collectées pendant 10 ans par cet instrument, ils ont débusqué les électrons et positrons cosmiques les plus énergétiques jamais observés, mais aussi, comme l’explique un communiqué du CNRS, que « ces particules montrent que des phénomènes cosmiques extrêmes sont à l’œuvre dans notre environnement spatial proche ».
Les détails de la découverte ont été publié dans la revue Physical Review Letters, mais une version de l’article existe en accès libre sur arXiv.
Une courte présentation des pulsars. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Nasa Goddard
Des positrons de pulsar ou de matière noire ?
Les électrons et positrons débusqués dans les données font partie de ce qui est appelé des électrons cosmiques (CRe ou Cosmic-Ray Electron en anglais) et qui ont donc des énergies supérieures à un téraélectronvolt, soit 1 000 milliards de fois supérieure à celle de la lumièrelumière visible ou suffisante pour créer l’équivalent en massemasse d’au moins 1 000 protons. Ils ne sont pas assez énergétiques pour voyager en ligne presque droite dans les champs magnétiques de la Voie lactéeVoie lactée ou intergalactiques, mais ils témoignent de l’existence de puissants accélérateurs cosmiques naturels.
On ne sait pas vraiment non plus encore quels sont les accélérateurs sources de ces CRe mesurés par H.E.S.S. Il pourrait s’agir objets extrêmes tels que des restes de supernovæ, des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies avec des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs ou encore des pulsarspulsars. On pense d’ailleurs depuis quelques années que des anomaliesanomalies dans le flux de rayons cosmiques au niveau des positrons, mesurées en dehors de l’atmosphère par des détecteurs comme AMS, pourraient signaler la présence proche du Système solaire de pulsars par encore détectés produisant ces antiparticules. Il pourrait s’agir aussi de produit de désintégration de particules de matière noirematière noire.
Toujours est-il que le communiqué du CNRS explique : « À l’issue de l’analyse la plus poussée jamais effectuée, les scientifiques de la collaboration H.E.S.S. ont obtenu de nouvelles informations sur l’origine de ces particules. Dans leur travail, les astrophysiciens ont passé au peigne fin l’énorme ensemble de données collectées pendant une décennie par les quatre télescopes de 12 m en appliquant de nouveaux algorithmes de sélection plus puissants, capables d’extraire les CRe du bruit de fond avec une efficacité sans précédent. Cela a permis d’obtenir un ensemble de données statistiques inégalé pour l’analyse des électrons cosmiques. En particulier, les chercheurs et chercheuses de la collaboration ont pu obtenir pour la première fois des données sur les CRe dans les régimes d’énergie les plus élevés, jusqu’à 40 TeV. Ils ont ainsi identifié un changement brutal étonnamment net dans la distribution d’énergie des électrons cosmiques, témoin d’un très petit nombre de sources situées à proximité de notre propre Système solaire ».
Une présentation de la découverte avec le pulsar J2030. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Chandra X-ray Observatory
Le saviez-vous ?
Au début des années 1930, parallèlement à la découverte du neutron, les deux astrophysiciens Walter Baade et Fritz Zwicky ont pris conscience qu’il fallait introduire en astronomie une nouvelle catégorie de novae, ces étoiles transitoires très brillantes apparaissant une seule fois dans le ciel pour ensuite disparaître à jamais et dont certaines ont été observées par les bâtisseurs du ciel qu’étaient Tycho Brahe et Johannes Kepler. Le nom qu’ils proposent alors va faire fortune : supernova. En compagnie de Rudolph Minkowski, astronome et neveu du célèbre mathématicien Hermann Minkowski, Baade se rend compte que ces supernovae (SN) peuvent également être séparées en deux types, en fonction de leurs raies spectrales et des caractéristiques des courbes de lumière montrant l’évolution dans le temps de leur luminosité. D’autres divisions s’ajouteront, mais ces travaux sont à l’origine de la classification moderne avec des SN II et les SN Ia.
Des sphères magnétiques conductrices de la masse du Soleil
Walter Baade et Fritz Zwicky comprennent surtout que certaines supernovae sont des explosions gigantesques accompagnant l’effondrement gravitationnel d’étoiles qui vont devenir des étoiles à neutrons. L’idée est simple, en s’effondrant, la matière est comprimée au point de forcer bon nombre des électrons des atomes à se combiner avec les protons des noyaux, la réaction donnant des neutrons et des émissions de neutrinos très énergétiques. Si l’effondrement ne se poursuit pas en donnant un trou noir, ce qui reste de l’étoile occupe alors un volume sphérique de quelques dizaines de kilomètres de diamètre tout en contenant une masse de l’ordre de celle du Soleil, avec une surface contenant peut-être beaucoup de fer conducteur et très certainement des ions avec des électrons libres.
Un point important à retenir est qu’une étoile possède un champ magnétique et un moment cinétique du fait de sa rotation. Les lois de la physique imposant la conservation du moment cinétique et du flux magnétique, l’étoile à neutrons – en fin d’effondrement après l’explosion en supernova SN II de son étoile génitrice – sera en rotation très rapide et avec un champ magnétique très amplifié.
Mais cela, en 1967, quand Jocelyn Bell fait la découverte de pulsation périodique étrange dans le domaine radio alors qu’elle est en thèse avec Antony Hewish – qui obtiendra le prix Nobel en 1974 à sa place pour cette découverte –, la chercheuse est bien loin de l’avoir à l’esprit. Très rapidement, les astrophysiciens Franco Pacini et Thomas Gold vont faire le lien et poser les bases qui conduiront tout aussi rapidement à proposer des modèles pour expliquer le rayonnement radio des pulsars.
Des générateurs radio relativistes
En gros, les choses se passent probablement de la façon suivante. Pour un observateur fixe à la surface d’une étoile à neutrons et même dans ses profondeurs, son mouvement de rotation dans un champ magnétique le conduit à mesurer un champ électrique. C’est une conséquence de la théorie de la relativité restreinte.
Ce champ électrique va donc accélérer les ions et les électrons en surface de l’étoile à neutrons qui se comportent comme un conducteur. L’étoile s’entoure donc d’un plasma avec des courants et qui émet des ondes électromagnétiques. Ces ondes peuvent être si intenses que les photons les composant peuvent produire aussi des paires d’électron-positron qui s’ajoutent au plasma.
L’étoile à neutrons produit donc des flux d’antimatière et les calculs montrent aussi que le rayonnement électromagnétique est principalement émis par deux régions sur l’astre compact et de telle façon qu’il devient une sorte de phare cosmique. Lorsque, par hasard, l’un des faisceaux de ce phare est dirigé vers la Terre sur son orbite, des radiotélescopes comme celui, défunt, d’Arecibo, peuvent le détecter et constater sa variation périodique.