Albert Einstein a exposé la forme finale de sa théorie de la relativité générale (qui n’est peut-être qu’une forme approximative d’une autre théorie relativiste de la gravitation) il y a un peu plus d’un siècle, à la fin de l’année 1915. Quelques années plus tard, il publiait également ses travaux sur une prédiction de sa théorie des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles. Pendant plusieurs décennies, mathématiciensmathématiciens et physiciensphysiciens ont tout de même eu des doutes sur l’existence de ces ondes.
Rétrospectivement, on peut dire que la démonstration mathématique de l’existence de ces ondes avait été donnée à la fin des années 1940 par Yvonne Choquet-Bruhat. Toutefois, ce n’est qu’à la fin des années 1950, notamment avec des arguments de Richard Feynman mais pas seulement, que le débat prend fin à ce sujet – comme l’ont bien expliqué dans leur ouvrage Nathalie Deruelle et Jean-Pierre Lasota.
L’ère de l’astronomie gravitationnelle avec ces ondes s’est finalement ouverte à la fin de l’année 2015 et depuis, les ondes gravitationnelles émises par de nombreuses collisions de trous noirs ou d’étoiles à neutrons ont été détectées et peut-être même indirectement celles de trous noirs supermassifs.
La détection des ondes gravitationnelles, qui a été annoncée le 11 février 2016, est le fruit d’une véritable prouesse technologique. Afin de déceler le passage d’une onde gravitationnelle, les détecteurs Ligo et Virgo doivent pouvoir repérer des mouvements infinitésimaux, de l’ordre du milliardième de la taille d’un atome ! © CNRS
Mais, récemment, Ore Gottlieb, chercheur au Center for Computational Astrophysics (CCA) du Flatiron Institute à New York, Yuri Levin, professeur invité au CCA, en compagnie d’Amir Levinson, professeur à l’Université de Tel Aviv, ont publié dans The Astrophysical Journal Letters un article qui renouvelle les perspectives en ce qui concerne les sources d’ondes gravitationnelles possibles et détectables, comme on peut s’en convaincre en lisant l’article en accès libre sur arXiv.
D’après la théorie de la relativité générale, contrairement au cas des ondes électromagnétiques, il ne suffit pas d’accélérer une massemasse ponctuelle ou de la forme d’une sphère pour produire des ondes gravitationnelles. Techniquement, il n’est donc pas possible d’avoir une source de ces ondes déformant le tissu de l’espace-tempsespace-temps en se propageant, dite de forme dipolaire. Il faut une source dite quadripolaire, ce qui est le cas avec un astreastre orbitant autour d’un autre.
Les collapsars, des hypernovae
Il est également impossible de produire des ondes gravitationnelles avec une explosion d’étoiles en supernova qui serait parfaitement symétrique, car ce serait à nouveau une source qui ne serait pas quadripolaire. Il faudrait que l’explosion soit fortement asymétriqueasymétrique, et c’est pourquoi on ne s’attendait pas à détecter des ondes émises par des supernovaesupernovae dans les galaxiesgalaxies proches de la Voie lactéeVoie lactée, le signal étant nécessairement inexistant ou très faible, même avec une explosion non sphérique.
Comme l’explique Ore Gottlieb dans un communiqué de la Simons Foundation : « Actuellement, les seules sources d’ondes gravitationnelles que nous avons détectées proviennent de la fusionfusion de deux objets compacts – des étoiles à neutrons ou des trous noirs. L’une des questions les plus intéressantes dans ce domaine est la suivante : quelles sont les sources potentielles non liées à la fusion qui pourraient produire des ondes gravitationnelles que nous pouvons détecter avec les installations actuelles ? Une réponse prometteuse est désormais les collapsars. »
Un collapsar (contraction des termes anglais collapse (effondrementeffondrement) et star (étoile), officiellement « étoile implosante » en français) n’est pas aussi exotiqueexotique que son nom le laisse penser, puisqu’il désigne le phénomène d’effondrement gravitationnel d’étoiles en rotation rapide dont la masse est 15 à 20 fois supérieure – au moins – à celle du SoleilSoleil. Un trou noir se forme rapidement au cœur de ces étoiles à ce moment-là, produisant un disque d’accrétiondisque d’accrétion durant quelques dizaines de secondes et générant de puissants jets de matièrematière à travers l’enveloppe de l’étoile qui explose en supernovae.
On parle également de cet événement comme d’une hypernovahypernova !
Une très belle vue d’artiste de l’explosion d’une hypernova avec la formation d’un trou noir dans l’étoile génitrice. Ces images de synthèse illustrent le modèle d’hypernova, qui doit rendre compte de la majorité des sursauts gamma longs. Avant l’explosion d’une étoile très massive, un trou noir se forme à la place de son cœur en avalant ensuite le reste de l’étoile. Comme il se forme aussi un disque d’accrétion avec des jets de particules, on les voit émerger de la surface de l’étoile et se propager dans le milieu interstellaire en créant une onde de choc. Des émissions de photons gamma s’y produisent alors. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Desy, Science Communication Lab
Un disque d’accrétion très lumineux en ondes gravitationnelles
Comme l’explique aussi le communiqué de la Simons Foundation, les trois chercheurs ont modélisé plus finement ce phénomène et, à leur grande surprise, les simulations numériquessimulations numériques réalisées à partir d’un nouveau modèle ont montré que les collapsars, et surtout le disque d’accrétion transitoirement formé, peuvent produire des ondes gravitationnelles suffisamment puissantes pour être visibles à environ 50 millions d’années-lumièreannées-lumière, une distance inférieure à un dixième de la portée détectable des ondes gravitationnelles plus puissantes provenant de la fusion de trous noirs ou d’étoiles à neutrons.
« Je pensais que le signal serait beaucoup plus confus car le disque est une distribution continue de gazgaz avec de la matière tournant sur des orbitesorbites différentes. Nous avons découvert que les ondes gravitationnelles de ces disques sont émises de manière cohérente et qu’elles sont également assez fortes », avoue Gottlieb dans le communiqué. En fait, elles sont 100 fois plus fortes qu’on ne le pensait !
Mieux, ces ondes seraient à la portée des détecteurs actuels, comme VirgoVirgo et LigoLigo, et il se pourrait que des détections aient déjà été faites, mais qu’elles soient passées inaperçues. En effet, si l’on voulait les chercher dans les données déjà archivées, étant donné que les étoiles génitrices des collapsars ont des masses et des vitesses de rotationvitesses de rotation différentes, il faudrait générer toute une série de signaux correspondant aux divers cas dans des simulations numériques pour avoir une bibliothèque assez large à comparer aux signaux détectés.
L’explosion des étoiles très massives en supernovae gravitationnelles enrichit le milieu interstellaire avec les éléments chimiques synthétisés par fusion nucléaire, tout en donnant naissance à une étoile à neutrons ou à un trou noir par effondrement du cœur de l’étoile. La transition entre l’effondrement du cœur et l’expulsion de l’enveloppe stellaire est un défi pour la compréhension théorique des supernovae. Une expérience hydraulique conçue et réalisée au CEA a permis de reproduire par analogie un des phénomènes d’instabilité hydrodynamique qui facilitent l’explosion. Cette approche expérimentale est complémentaire des simulations numériques. Découvrez cette expérience en animation. © Ce film d’animation a été produit et co-financé par le CEA et l’ERC et réalisé par le Studio Animéa. Conception scientifique et technique : T. Foglizzo, J. Guilet, G. Durand (CEA)
Nous n’avons pas encore cette bibliothèque, d’autant plus que ce type de source exige des simulations numériques très gourmandes en calculs et donc encore difficiles à réaliser. « En principe, nous simulerions idéalement 1 million de collapsars pour pouvoir créer un modèle générique, mais malheureusement, ce sont des simulations très coûteuses. Donc, pour l’instant, nous devons choisir d’autres stratégies », conclut Gottlieb.
Les chercheurs pensent en tout cas que la prochaine génération de détecteurs d’ondes gravitationnelles proposés – tels que le Cosmic Explorer et le télescope Einstein – pourrait détecter des dizaines de collapsars par an.
Incidemment, on pense que certains sursautssursauts gamma sont produits par des collapsars, on pourrait donc détecter une contrepartie dans le domaine des ondes électromagnétiques et faire de l’astronomie multimessager en combinant les observations avec celles concernant les ondes gravitationnelles.