Comment savoir s’il n’existe pas de noosphères comme celle de la Terre ailleurs dans la Voie lactée d’ici quelques décennies tout au plus ? Peut-être en découvrant des concentrations anormales de gaz à effet de serre ne pouvant être produites que par une technologie avancée dans l’atmosphère d’une exoplanète autour d’une étoile à quelques dizaines d’années-lumière du Soleil. Ce serait possible avec le James-Webb et une mission encore à l’étude appelée Life selon une équipe internationale de chercheurs.
Même avec des instruments comme ceux équipant le télescope spatial James-Webb (JWST) ou peut-être dans un futur proche de la mission Life (Large Interferometer For Exoplanets)) étudiée notamment par l’ETH Zurich, il est difficile de définir une biosignature solide et convaincante d’une vie ailleurs sur une exoplanète dans la Voie lactée.
On peut raisonnablement penser qu’une technosignature est moins ambigüe, et au fond, c’est surtout la découverte d’une civilisation E.T. technologiquement au moins aussi développée que nous qui aurait le maximum d’impact sur notre conception de notre place dans l’Univers. Une équipe internationale de scientifiques, dont Daniel Angerhausen de l’ETH Zurich (Suisse), et dirigée par Edward Schwieterman de l’UC Riverside (États-Unis) vient de renouveler un peu le débat au sujet de ce genre de signature en revisitant une idée déjà proposée il y a des années.
Comme ils l’expliquent dans l’article publié dans l’Astrophysical Journal, et que l’on peut consulter aussi en accès libre sur arXiv, les chercheurs ont envisagé la possibilité que des E.T. aient délibérément injecté de puissants gaz à effet de serregaz à effet de serre (impossibles à produire autrement en grande quantité qu’avec une technologie avancée) dans l’atmosphèreatmosphère de leur exoplanète natale, ou dans une autre qu’ils voudraient rendre habitable avec de l’eau liquideliquide tel que l’on a envisagé de le faire avec les scénarios de terraformation de Mars.
Une présentation de la mission Life. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © LIFE Space Mission
Des molécules à effet de serre détectées par transit spectroscopique
Dans le premier cas, ces extraterrestres pourraient vouloir lutter contre un refroidissement catastrophique de leur planète en raison de l’équivalent des fameux cycles de Milankovitch bien connus sur Terre et qui, dans leur cas, pourrait conduire à une évolution de leur climatclimat comparable à ce qui s’est déjà produit pour notre Planète bleue dans le cadre de l’Hypothèse de la Terre boule de neige.
Dans le second cas, ils pourraient vouloir, pour une raison ou pour une autre, transformer le climat d’une autre exoplanète dans leur système planétaire pour la rendre habitable en produisant là aussi un effet de serre avec comme gaz, des versions fluorées du méthane, de l’éthane et du propanepropane, ainsi que de gaz composés d’azoteazote et de fluorfluor ou de soufresoufre et de fluor – comme l’explique un communiqué de l’UC Riverside. L’hexafluorure de soufre (SF6), par exemple, a un pouvoir de réchauffement 23 500 fois supérieur à celui du dioxyde de carbonedioxyde de carbone.
Une atmosphère planétaire possède une signature spectrale qui représente sa composition chimique, mais également sa composition en nuages et « brouillard ». Grâce à plusieurs techniques, il est possible de déterminer les caractéristiques physico-chimiques de l’atmosphère d’une exoplanète. Parmi ces techniques : le transit spectroscopique, le transit secondaire ou éclipse, l’observation spectroscopique directe de la planète ou encore l’observation de la planète à différentes phases autour de l’étoile afin de mesurer des variations temporelles et saisonnières. Partez à la découverte des exoplanètes à travers notre websérie en 9 épisodes à retrouver sur notre chaîne YouTube. Une playlist proposée par le CEA et l’université Paris-Saclay dans le cadre du projet de recherche européen H2020 Exoplanets-A. © CEA
Les gaz étudiés par les astrophysiciensastrophysiciens ont plusieurs avantages. Il n’est pas besoin d’en injecter beaucoup pour produire un réchauffement important et ils peuvent rester en quantités suffisantes dans l’atmosphère d’une exoterreexoterre pendant 50 000 ans. « Ils n’auraient pas besoin d’être renouvelés trop souvent pour maintenir un climat hospitalier », déclare Schwieterman dans le communiqué alors que Angerhausen ajoute aussi que « leur longue duréedurée de vie en fait également une excellente technosignature à rechercher systématiquement par rapport aux signaux à courte durée de vie. Ces signatures pourraient même survivre à leur civilisation si leurs expériences de géo-ingénierie échouent ». Ainsi, contrairement à des émissionsémissions radio qu’une civilisation avancée n’utilise peut-être que pendant quelques centaines d’années au plus (pensons à l’importance grandissante des télécommunications par fibre optiquefibre optique), ce genre de technosignature pourrait être disponible pendant des dizaines de milliers d’années, augmentant la chance de détecter des E.T.
Des molécules sans danger pour la couche d’ozone d’une exoterre
Enfin, contrairement aux chlorofluorocarbures (CFC) tels le tétrachlorure de carbone et le méthyl chloroforme qui avaient déjà été proposés comme technosignatures il y a des années, ces gaz ne sont pas destructeurs de l’ozone, ce qui en ferait des choix obligés pour des formes de vie comme celles que nous connaissons sur Terre. En effet, « si une autre civilisation avait une atmosphère riche en oxygèneoxygène, elle aurait également une couche d’ozonecouche d’ozone qu’elle voudrait protéger. Les CFCCFC se décomposeraient dans la couche d’ozone alors même qu’ils catalyseraient sa destruction », rappelle Schwieterman.
Ce qui est intéressant, c’est que les astrochimistes dans leur article sont arrivés à la conclusion que ces gaz pourraient être détectés (même à des concentrations relativement faibles), notamment par spectroscopie par transmission (voir la vidéo ci-dessus), déjà avec l’instrument MiriMiri observant dans l’infrarougeinfrarouge moyen avec le JWST et aussi dans un avenir proche avec un équivalent de Miri pour Life. En fait, ils ont même simulé (voir notamment le schéma ci-dessous) ce que cela pourrait donner pour une planète du système Trappist-1, qui contient sept planètes rocheusesplanètes rocheuses connues à environ 40 années-lumièreannées-lumière du SoleilSoleil, et dans le cas d’exoterres autour d’une étoileétoile semblable au Soleil jusqu’à 30 années-lumière de distance.