Depuis quelques années, des astrophysiciensastrophysiciens des particules développent une idée originale, celle d’un Big BangBig Bang noir. Le concept a notamment été proposé et étudié par Katherine Freese (bien connue pour ses travaux sur les étoiles noires) et Martin Winkler avec un article que l’on peut consulter en accès libre sur arXiv et plus récemment par Cosmin Ilie et Richard Casey.
Tout le monde sait aujourd’hui que le modèle cosmologique standard, qui explique l’existence des galaxies et certaines caractéristiques du rayonnement fossile, repose sur l’existence d’une composante inconnue de masse dominant celle des noyaux d’atomes bien connus sur Terre mais à l’échelle des galaxies et des amas de galaxiesamas de galaxies. Cette composante inconnue serait constituée de particules de matièrematière ne pouvant pas ou très peu émettre de lumièrelumière et que l’on appelle pour cette raison des particules de matière noirematière noire. Elles seraient sensibles à la gravitationgravitation, mais pas aux forces nucléaires et peut-être à de nouvelles forces encore inconnues entre ces mêmes particules de matière noire.
Depuis 13,8 milliards d’années, l’Univers n’a cessé d’évoluer. Contrairement à ce que nous disent nos yeux lorsque l’on contemple le ciel, ce qui le compose est loin d’être statique. Les physiciens disposent des observations à différents âges de l’Univers et réalisent des simulations dans lesquelles ils rejouent sa formation et son évolution. Il semblerait que la matière noire ait joué un grand rôle depuis le début de l’Univers jusqu’à la formation des grandes structures observées aujourd’hui. © CEA Recherche
L’inflation et la création de matière
Le modèle cosmologique standard suppose que la matière noire existait déjà pendant la première seconde du Big Bang, et le scénario le plus favorisé actuellement au-delà du modèle standardmodèle standard fait intervenir un phase dite d’inflation causée par un nouveau champ, probablement cousin du bosonboson de Brout-Englert-Higgs et appelé inflatoninflaton. Dans ce scénario, le cosmoscosmos observable aurait subi une phase exponentiellement accélérée et très importante bien que transitoire de l’expansion de l’espace au tout début du Big Bang.
À la fin de cette phase, même si l’UniversUnivers observable était rempli de particules juste avant, l’effet de dilution de l’expansion l’aurait laissé quasi vide et froid. Un processus dit de réchauffement se serait ensuite produit selon les théories inflationnaires proposées, remplissant à nouveau le cosmos de particules, en l’occurrence un bain de quarksquarks, de leptonsleptons, de photonsphotons, de gluonsgluons et de bosons W et Z ainsi bien sûr que de leurs antiparticulesantiparticules et des particules de matière noire.
Mais, selon le nouveau scénario proposé par Katherine Freese et Martin Winkler, les particules de matière noire auraient été produites bien plus tard (des mois après la nucléosynthèsenucléosynthèse primordiale des trois premières minutes de l’Univers selon le titre du célèbre ouvrage de Steven Weinberg) bien qu’elles dominent depuis, en masse, les autres particules et sans produire de photons ordinaires comme celui que l’on trouve dans le rayonnement fossile (mais peut-être un rayonnement de « photons noirs » n’interagissant pas avec la matière normale).
Il aurait donc eu un second Big Bang, un Big Bang noir…
Des ondes gravitationnelles causées par des collisions de bulles de vrai vide
Remarquablement, ce Big Bang noir produirait des ondes gravitationnellesondes gravitationnelles similaires à celles que l’on pense avoir été générées bien après la phase d’inflation, mais avant la première seconde du Big Bang par la transition de phasetransition de phase électrofaible associée au boson de Brout-Englert-Higgs qui a donné des masses aux quarks, leptons et bosons W et Z du modèle standard de la physiquephysique des hautes énergiesénergies. Le vide quantique était peu avant cette transition l’équivalent d’un liquideliquide à l’état gazeuxétat gazeux qui va se condenser en gouttes entrant en collision et générant des ondes gravitationnelles.
Selon les chercheurs, l’équivalent de cette transition avec un champ scalaire responsable de la création de matière noire au moment du Big Bang noir aurait produit des ondes gravitationnelles que des upgrades de la méthode de détection de la collaboration de l’International Pulsar Timing Array (IPTA) pourraient mettre en évidence dans un avenir proche.
Le lecteur un peu perspicace se sera peut-être posé la question suivante. Le schéma ci-dessus explique qu’aussi bien au moment de l’inflation que pendant la transition électrofaible ou celle du Big Bang noir, on a un champ scalaire de valeur nulle mais avec tout de même paradoxalement une densité d’énergie non nulle qui le devient, alors que le champ scalaire devient non nul… mais où est donc passée l’énergie du vide quantique précédent l’annihilation de ces champs ?
Des images de la simulation de l’apparition de bulles de vrai vide au moment de la transition électrofaible. Elles coalescent de façon chaotique, ce qui génère des ondes sonores (qui ne sont pas celles que l’on écoute). Ces ondes génèrent à leur tour des ondes gravitationnelles. © New Scientist, YouTube
Il se trouve que la théorie postule que dans les équationséquations, les champs de matière et des forces électrofaibles sont couplées au champ scalaire responsable d’une phase d’inflation, un peu comme le serait une bille au bout d’un ressort dans l’airair.
Lorsque le champ scalaire transite d’un état de faux vide à un état de vrai vide, il ne s’immobilise pas tout de suite au fond de la vallée d’énergie du potentiel du champ scalaire, mais oscille. Ce faisant, son couplage avec les autres champs est responsable d’un effet de frottement analogue à celui de la bille précédente qui en oscillant perdrait son énergie, à cause de la force de frottement en la donnant à l’air qui s’échaufferait.
C’est exactement le processus analogue qui aurait été responsable de la création des particules de matière ordinaire et de matière noire, dans le scénario classique du Big Bang avec inflation ou celui avec un Big Bang noir, un Dark Big Bang en anglais.