On a la sensation d’être sur le toit du mondele toit du monde. L’airair frais nous prend au visage. Nous arpentons des étendues désertes, rocailleuses, parsemées de-ci de-là de buissons et d’herbes sèches. Ce paysage inhospitalier, mais grandiose, est celui de l’Altiplano andin. Altiplano qui signifie « haut plateau », en espagnol. L’Altiplano andin s’élève à plusieurs milliers de mètres d’altitude, au cœur donc de la cordillère des Andes, cette chaîne de montagnes qui longe toute la côte ouest de l’Amérique du Sud. C’est la plus longue chaîne de montagnes continentales au monde ! À quelques kilomètres en contrebas s’étend une ville haut perchée : Chuquiago, aussi connue sous le nom de La Paz, l’une des deux capitales de la Bolivie. Chuquiago, c’est le nom que lui ont donné les Indiens aymaras, un peuple originaire du mythique lac Titicaca, qui se trouve un peu plus au nord et s’élève à près de 4 000 mètres d’altitude.
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Direction l’Altiplano andin à la découverte du lama
Sur ces hauteurs, aux conditions difficiles, vit un animal étonnant et essentiel aux humains de la région : le lama. En voici un troupeau ! Tout ce beau petit monde avance lentement en mangeant les herbes et arbustes qui poussent ici. Le lama, de son nom scientifique Lama glamaLama glama, a été domestiqué à partir du Guanaco, le lama sauvage, il y a environ 4 000 ans. Depuis, les humains l’utilisent pour sa laine ou encore pour lui faire porter leurs affaires lors de longues marches en montagne, mais inutile d’essayer de sauter sur son dosdos, le lama ne peut porter que quelques dizaines de kilos !
Sa silhouette rigolote se dresse à environ 1,20 mètre de haut. Ses quatre pattes agiles soutiennent un corps rondouillet – terminé par une petite queue touffue – et recouvert d’une fourrure laineuse aux couleurscouleurs claires, brunes ou rousses. Son long cou se termine par une bouille au museau allongé, surplombée de deux oreilles arrondies et marquée par un regard doux. Il est difficile de ne pas succomber à son regard de biche.
Cela peut paraître étrange, mais le lama appartient à la famille du chameau ! Eh non, pas de bosse sur son dos ! Mais comme ses cousins l’alpaga, la vigogne et le guanaco, le lama est un camélidé. En fait, tous les chameaux actuels sont les descendants de camélidés qui vivaient en Amérique du Nord et qui ont migré vers l’Amérique du Sud, l’Asie ou encore l’Afrique. Le lama est donc un « chameau d’Amérique du Sud » et ne te fie pas à ses airs de peluche géante, c’est un vrai montagnard. Son habitat, c’est la cordillère des Andes : il vit à 3 000 mètres d’altitude en moyenne, même si depuis sa domestication, on le retrouve un peu partout.
Un corps adapté à la survie aux plus hautes altitudes
En altitude cependant, la nourriture est rare. Mais ce n’est pas un problème pour cet herbivore qui se nourrit d’arbustes, de moussesmousses ou encore d’herbes, et qui, au passage, récupère l’eau dont il a besoin pour vivre dans les végétaux ! Sa manière de mastiquer rappelle étrangement celle de la vache. Et pour cause, tout comme les bovidés, le lama rumine ! Il avale donc les aliments d’un coup, sans s’embêter à les mâcher. C’est alors que ses 3 estomacs entrent en jeu et se chargent de réduire la nourriture en bouillie, avant de la renvoyer vers sa bouche pour que le lama puisse la mastiquer en toute sérénité. On est d’accord, dit comme cela, ça n’est pas très appétissant ! Mais le broutage du lama joue un rôle écologique essentiel ! Car ses petites pattes rembourrées n’abiment pas le sol, contrairement à celles des vaches ou des chevaux, et le broutage permet à la flore, c’est-à-dire à l’ensemble des végétaux des Andes, de se renouveler. Pratique !
À l’altitude où nous nous trouvons, l’oxygène, le gazgaz qui nous permet de respirer, devient plus rare. Les alpinistes, qui gravissent les plus hauts sommets, connaissent bien ce phénomène, qui peut être dangereux pour les humains. Car lorsque notre corps manque d’oxygène, il peut exprimer son malaise par des nausées, des vertiges ou des vomissements ; c’est sa façon à lui de tirer la sonnettesonnette d’alarme et de nous dire qu’il est temps de trouver un endroit plus sûr, où l’air n’est pas si raréfié.
Notre cher lama, lui, gambade allègrement sans être ennuyé par le manque d’oxygène. Pourquoi ? Eh bien, parce que son sang est doté d’un super pouvoir ! Et pour le comprendre, il faut comprendre la respiration. Chez les mammifèresmammifères comme le lama, la respiration fonctionne par étapes : tout d’abord l’air est aspiré par le neznez, puis il descend dans la gorge, jusqu’aux poumonspoumons et c’est alors que le corps fait une sorte de troc : il garde l’oxygène pour le faire passer dans le sang et rejette un déchetdéchet dont il n’a pas besoin ; un gaz qu’on appelle le dioxyde de carbonedioxyde de carbone et qui est expulsé au moment de l’expiration. Le sang, chargé d’oxygène, est alors redirigé vers le cœur qui va le distribuer à l’ensemble du corps pour oxygéner le cerveaucerveau, les muscles et ainsi nous maintenir en vie. Tous ces évènements fantastiques ont lieu sans même que nous n’ayons à y penser ! Mais, le sang du lama, lui, capte beaucoup plus d’oxygène que notre sang à nous, humains. Il souffre donc moins lorsque l’oxygène se fait plus rare, car son corps s’est adapté aux conditions particulières de la vie en altitude. Incroyable, n’est-ce pas ?
Un animal doux et sociable malgré ses crachats redoutables
Tiens, il y a du mouvementmouvement ! Un mâle s’est mis à en pourchasser un autre ! Le lama est un bon coureur, il peut échapper aux prédateurs ou à ses ennemis grâce à des courses effrénées où il atteint les 50 km/h, une vitessevitesse supérieure à celle d’une voiturevoiture en centre-ville ! Exactement comme les deux mâles qui se défient sous nos yeuxyeux. Ils ne se lâchent pas, ils courent toujours plus vite, zigzaguent, trébuchent sur le sol caillouteux, se relèvent, et se remettent à courir en émettant des grognements gutturaux. Il est probable que le lama pourchassé se soit introduit sur le territoire du lama qui le poursuit…
Et le voici ! Le fameux crachat du lama ! C’est lui qui a valu à notre camélidé sa réputation d’animal au caractère de cochon. Mais tout comme le cochon, le lama est en vérité doux et sensible. Lorsqu’il crache, c’est pour lui une façon d’exprimer sa colère ou de se défendre contre des agresseurs. D’ailleurs, le crachat n’est pas tout à fait le même en fonction des situations. Et pas de panique, il est très rare que le lama crache sur les humains, du moment qu’on ne le provoque pas. Nous n’avons donc rien à craindre. De toute façon, il est temps de laisser nos chers lamas se chamailler en paix. Car cet animal tout terrain, taillé pour vivre sur les hauteurs de la cordillère des Andes, nous réserve encore quelques surprises !
Le lama apprend en observant les autres
Le lama a de nombreuses aptitudes. Certains sont même gardiens de troupeaux ! Oui, à la façon d’un chienchien de berger, le lama protège les troupeaux de chèvres, de vaches ou encore de moutons contre les coyotescoyotes ou les renards qui pourraient les attaquer ! Courageux, n’est-ce pas ? Il est tellement efficace qu’on le retrouve aussi bien dans les pâturages américains qu’australiens, ou même suisses ! Curieux, les scientifiques ont voulu en savoir plus sur sa capacité d’apprentissage. Ils se sont donc posé la question suivante : est-ce que le lama est capable d’apprendre des autres ?
Pour le savoir, rien de plus simple, les chercheurs ont caché de la nourriture derrière un obstacle. Et puis ils ont laissé un lama se débrouiller, en mesurant le temps qu’il lui fallait pour trouver sa récompense. Ensuite, les scientifiques ont comparé la performance de ce lama avec celle d’autres lamas : un lama guidé par un être humain, qui lui montre où se trouve la cachette à friandises, et un autre guidé par un copain lama qui savait déjà où se trouvait la récompense. Lequel a été le plus rapide pour trouver les friandises ?
Trêve de suspens, celui qui a débusqué la cachette le plus vite a été lama guidé par un autre lama ! Suivi de près par celui qui était guidé par un humain. Le pauvre lama laissé seul a mis beaucoup plus de temps que les autres à contourner l’obstacle et à se régaler de sa récompense !
Un lama et un âne protègent un troupeau de moutons contre un coyote. © YouTube, BBC Studios
À partir de cette expérience, les scientifiques ont pu comprendre que le lama est donc capable d’apprendre en observant les autres. Non seulement en observant les autres lamas, mais aussi en nous observant nous, humains ! Cette capacité, qui n’a peut-être l’air de rien, signifie en fait que le lama est capable d’apprentissage social : il observe les autres et en tire des conclusions ! Cette faculté est essentielle dans la nature !
C’est ainsi que les petits apprennent de leurs parents ou encore que les animaux les plus âgés d’un groupe, comme les matriarches chez les éléphants, transmettent leurs connaissances aux animaux les plus jeunes. Cet apprentissage est le signe d’une intelligenceintelligence, et pas de n’importe laquelle : une intelligence sociale, qui permet de s’adapter à différentes situations et de survivre. Le lien tissé entre le lama et les humains depuis sa domestication est donc profond : pour apprendre, les lamas observent les humains tout comme ils observent leurs congénères.
Alors, si tu viens un jour à croiser la route de cet animal doux et robuste, capable de survivre aux plus hautes altitudes, de courir à une vitesse étonnante et qui participe au renouvellement de la flore des Andes, n’oublie pas que sous son regard de velours se cache un être intelligent, qui apprend en t’observant ! Alors, pas si bête de lama !