On sait que les instruments du télescope spatial James-Webb (JWST) permettent de faire des observations dans l’infrarouge, ce qui veut dire qu’il peut revisiter des astres étudiés dans cette bande de fréquencesbande de fréquences par d’anciens télescopes aussi dans l’espace pour en tirer de nouveaux enseignements. Cette possibilité est aujourd’hui exploitée par des chercheurs comme Christine Chen et ses collègues, en l’occurrence en ce qui concerne une jeune étoile désormais mythique dans l’histoire de l’astronomie depuis quarante ans et que l’on continue d’investiguer. Christine Chen est astronomeastronome à l’Université Johns Hopkins, et un communiqué de cette université fait état de travaux qu’elle a dirigés et qui ont été présentés lors de la 244e réunion de l’American Astronomical Society à Madison, Wisconsin.
Pour comprendre de quoi il s’agit, il nous faut d’abord remonter dans le passé et rappeler des explications que Futura avait déjà données dans de précédents articles.
Un zoom vertigineux en direction de Bêta Pictoris. © European Southern Observatory (ESO)
De l’Iras au James-Webb
Lancé le 25 janvier 1983 sur une orbite héliosynchronehéliosynchrone, le satellite Iras de la NasaNasa — pour Infrared Astronomical Satellite ou satellite astronomique infrarouge — partait en direction des étoiles pour une mission qui allait durer environ 10 mois. Il préfigurait d’autres télescopes en orbite capables d’observer dans l’infrarouge, comme SpitzerSpitzer et Herschel, et il fut le tout premier à effectuer une couverture complète du ciel dans l’infrarouge.
En tournant son regard en direction de la constellationconstellation du Peintre pour observer une étoile, nommée BêtaBêta Pictoris, 1,75 fois plus massive que le SoleilSoleil et beaucoup plus jeune que lui, Iras n’avait pas tardé à mettre en évidence un excès d’émissionémission infrarouge autour. Excès que les astrophysiciensastrophysiciens ont rapidement interprété comme l’une des toutes premières détections d’un disque de poussières autour d’une étoile. Cette hypothèse a d’ailleurs été vérifiée l’année suivante, en 1984, avec une imagerie directe de ce disque circumstellaire : une grande première pour l’époque.
Situé à 63 années-lumièreannées-lumière de notre Soleil, ce disque de débris montrait probablement ce à quoi ressemblait le Système solaireSystème solaire durant sa formation. Le disque autour de Bêta Pictoris fut par la suite le premier du genre à être observé dans le visible. On l’a supposé composé de poussières résultant des collisions entre des petits corps célestes comme des embryonsembryons planétaires et des astéroïdesastéroïdes. Les astronomes avaient donc de très bonnes raisons de s’intéresser à cette étoile pour comprendre l’enfance du Système solaire, d’autant plus que la théorie de l’évolutionthéorie de l’évolution stellaire et les observations la concernant indiquaient clairement qu’elle avait commencé sa vie sur la séquence principaleséquence principale du diagramme de Hertzsprung-Russel depuis environ 23 millions d’années.
En 2008, comme on s’y attendait du fait de la théorie de la formation des systèmes planétaires, une exoplanèteexoplanète, Bêta Pictoris b (aussi désignée par β Pictoris b), a finalement été découverte dans ce disque (un disque de débris issu d’un disque protoplanétairedisque protoplanétaire ayant perdu son gazgaz) avec le système d’optique adaptative Naco du Very Large TelescopeVery Large Telescope, dans le désertdésert d’Atacama au Chili, grâce à Anne-Marie Lagrange, directrice de recherche au CNRS et membre du Laboratoire d’astrophysiqueastrophysique de Grenoble, et son équipe. Il s’agissait là aussi d’une découverte faite par imagerie directe, ce qui est encore rare avec des exoplanètes. Bêta Pictoris b est un exemple de super-JupiterJupiter avec une massemasse estimée à 9 et 13 fois celle de Jupiter, laquelle est environ 318 fois plus massive que la Terre.
Sean Raymond, astrophysicien au Laboratoire d’Astrophysique de Bordeaux nous explique la formation du Système solaire selon un scénario que l’on peut tenter de transposer à celui de Bêta Pictoris. Une vidéo du parcours éducatif AstrobioEducation. © Société Française d’Exobiologie
Une quantité de poussière 100 000 fois plus grande que celle de l’astéroïde tueur de dinosaures ?
Mais avant 2008, les observations du défunt télescope Spitzer de 2004 à 2005 avaient montré la présence d’une plus importante quantité de poussière que l’on pouvait s’attendre à détecter à nouveau dans les données collectées par le JWST. Cela n’a pas été le cas.
Cette découverte surprenante ne semble pouvoir s’expliquer correctement que si cette poussière avait été la production transitoire il y a environ 20 ans d’une collision cataclysmique entre des astéroïdes, pulvérisant les corps célestes en fines particules de poussière plus petites que le pollenpollen ou le sucresucre en poudre.
La collision se serait produite proche de l’étoile Bêta Pictoris, de sorte que les grains de poussière silicatés étaient chauffés par le rayonnement stellaire et rayonnaient donc copieusement dans l’infrarouge. Le souffle de ce même rayonnement ayant chassé les grains loin de l’étoile, ils se seraient refroidis, ce qui aurait fait baisser l’émission de lumière dans l’infrarouge.
Dans le communiqué de l’Université Johns Hopkins, Chen explique aussi que lorsque Spitzer a collecté les données précédentes, les astrophysiciens « ont supposé que quelque chose comme de petits corps broyés remuerait et reconstituerait la poussière régulièrement au fil du temps. Mais les nouvelles observations de Webb montrent que la poussière a disparu et n’a pas été remplacée. La quantité de poussière soulevée est environ 100 000 fois plus grande que celle de l’astéroïde qui a tué les dinosaures ».
Le communiqué explique aussi que Bêta Pictoris se trouve à un âge clé où des planètes géantesplanètes géantes se sont formées, mais où des planètes telluriquesplanètes telluriques pourraient encore se développer. Ce qui est sûr, c’est qu’elle possède au moins non pas une mais deux géantes gazeusesgéantes gazeuses connues, Beta Pic b et c, qui influencent également la poussière et les débris environnants.
Depuis plus de 30 ans, le système autour de Bêta Pictoris fascine les astronomes et les passionnés du ciel. Grâce à la découverte d’un disque de poussière, puis de comètes (les premières exocomètes), de maintenant deux planètes autour de cette étoile, Bêta Pictoris est devenu un véritable laboratoire distant de l’étude de la formation et de la jeunesse des systèmes planétaires. Une conférence d’Anne-Marie Lagrange dans le cadre des Rencontres du ciel 2021. © Association Française d’Astronomie (AFA)
Ce qui fait dire à Kadin Worthen, doctorant en astrophysique à Johns Hopkins, qu’avec le travail dont il est l’un des auteurs avec Chen « la question que nous essayons de contextualiser est de savoir si tout ce processus de formation de planètes terrestres et géantes est commun ou rare, et la question encore plus fondamentale : les systèmes planétaires comme le système solaire sont-ils si rares ? Nous essayons essentiellement de comprendre à quel point nous sommes bizarres ou moyens ».