On a beaucoup parlé ces dernières années de l’influence des cycles solaires sur le climatclimat, certains laissant encore entendre qu’ils seraient à l’origine du réchauffement climatiqueréchauffement climatique actuel et pas Homo sapiensHomo sapiens. Nous avons toutes les raisons de penser qu’il n’en est rien mais la question de l’origine précise des cycles solaires, dont on a pris conscience il y a plus d’un siècle, reste l’objet de recherches – comme le montre une publication récente dans la revue Solar Physics d’un article aussi en accès libre sur arXiv.
On le doit à des chercheurs du Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf (HZDR) en Allemagne et de l’université de Lettonie. Leur travail est remarquable car ils semblent bel et bien avoir proposé la première explication physique complète des différents cycles d’activité du Soleil. Ces cycles sont notamment visibles au niveau des taches solaires et de l’activité magnétique du Soleil et il apparaît maintenant qu’ils sont en relation avec ce que l’on appelle des ondes de Rossby et surtout des effets de résonance en mécanique céleste avec des forces de marée. Le phénomène de résonance n’est pas mystérieux, on peut le voir à l’œuvre lorsque l’on pousse à la fréquencefréquence voulue à répétition une personne sur une balançoire, ce qui la met dans un état de mouvementmouvement de plus ne plus important.
Rappelons que l’on présente souvent GaliléeGalilée comme le découvreur des taches solaires, mais il semble clair aujourd’hui que, tout comme pour les premières observations de la LuneLune avec une lunette astronomique, ce soit Thomas Harriot qui l’ait précédé. En fait, il semble que les observations de taches à la surface du Soleil soient fort anciennes car aussi bien dans des textes de l’Antiquité grecque que dans d’autres, d’origine chinoise et japonaise, datant de plus de mille ans, on trouve des traces probables d’observations de ce phénomène. C’est le cas notamment dans les écrits du philosophe grec Théophraste (372 av. J.-C. 288 av. J.-C.)), ancien élève d’AristoteAristote à qui il est le premier à succéder en tant que scholarque de son école, le Lycée.
Depuis Galilée, les astronomesastronomes ont compilé les observations des taches solaires et c’est ainsi qu’un cycle de 11 ans a été déterminé pour la première fois par l’astronome amateur allemand Heinrich Schwabe vers 1843. On voit alors le nombre de taches augmenter régulièrement et se déplacer sur la surface solaire en direction de l’équateuréquateur pendant ce cycle qui voit aussi l’intensité du rayonnement solairerayonnement solaire augmenter, avant là aussi de diminuer en fin de cycle, tout comme pour le nombre de taches.
Le nombre de taches solaires augmente et diminue avec le temps selon un cycle régulier d’environ 11 ans, appelé cycle des taches solaires. La durée exacte du cycle peut varier. Cela a duré aussi peu que huit ans et jusqu’à quatorze ans, mais le nombre de taches solaires augmente toujours avec le temps, puis redevient faible. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Goddard Space Flight Center de la Nasa
Les taches et le magnétisme solaire
Plus tard, c’est l’astrophysicien George Hale (1868-1938), pionnier de la physique solaire, qui a mis en évidence la nature magnétique des taches solaires en 1908, ainsi que le cycle magnétique des inversions de la polarité de la magnétosphèremagnétosphère du Soleil en 1919. Il a fait ces découvertes en mesurant le champ magnétiquechamp magnétique à la surface de notre étoileétoile au moyen de l’effet Zeeman.
Révélé en 1896 par le physicienphysicien néerlandais dont il porteporte le nom, cet effet consiste en la décomposition des raies d’un spectrespectre lorsque l’on place une source de lumièrelumière (ou d’ondes radio) dans un champ magnétique. Une raie spectraleraie spectrale simple se transforme alors en un groupe de trois raies équidistantes. Il suffit de mesurer l’élargissement des raies spectrales pour estimer l’intensité du champ, et d’analyser leur polarisation pour obtenir des informations sur l’orientation du champ magnétique.
Le cycle de 11 années des taches solaires était, on l’a dit, déjà connu à l’époque où Hale a relié leur nature au champ magnétique du Soleil. On sait maintenant qu’à chaque maximum de ce cycle, ou presque, le champ magnétique du Soleil s’inverse, ce qui constitue donc un cycle de 22 ans environ pour l’activité magnétique de notre étoile.
Les chercheurs ont de bonnes raisons de penser que l’origine du champ magnétique solaire est la même que celle du champ magnétique de la Terre, c’est-à-dire une dynamodynamo autoexcitatrice, comme celle que l’on reproduit en laboratoire avec l’expérience VKS. Par contre, on ne sait pas encore très bien ce qui est à l’origine de sa période. Sur Terre, les inversions se produisent de façon assez chaotique, car on a observé des périodes de quelques centaines de milliers d’années à plusieurs dizaines de millions d’années. Des effets de marée en rapport avec la périodicité des orbitesorbites de JupiterJupiter et SaturneSaturne ont été invoqués parmi d’autres hypothèses au sujet du Soleil.
Venons-en au concept d’ondes de Rossby.
Les ondes de Rossby sur Terre. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Down To Earth
De la force de Coriolis aux ondes de Rossby
On les découvre lorsque l’on s’intéresse à la mécanique des fluides dans des référentielsréférentiels en rotation (par exemple, la Terre), un domaine fascinant de la physique. On rencontre cette mécanique en particulier sur notre Planète lorsque l’on cherche à comprendre les écoulements d’airair dans l’atmosphèreatmosphère, les courants marins dans les océans ou encore les courants de matièrematière en fusionfusion dans le manteaumanteau ou le noyau de la Terrenoyau de la Terre. Elle est également à l’œuvre dans les autres atmosphères planétaires et, bien sûr, aussi, dans celle du Soleil.
Il entre alors en jeu la fameuse force de Coriolisforce de Coriolis (découverte par l’ingénieur français Gaspard-Gustave Coriolis). Ainsi, un objet ou une masse d’airmasse d’air qui se déplace à la surface de la Terre verra sa trajectoire dévier vers sa droite dans l’hémisphère Nordhémisphère Nord et vers sa gauche dans l’hémisphère Sudhémisphère Sud sous l’effet de cette force (la droite étant définie lorsque l’on regarde vers l’avant du déplacement). Des ventsvents qui montent de l’équateur vers le pôle Nord seront donc déviés vers l’est. Il faut tenir compte de la force de Coriolis pour obtenir de bonnes prédictions météorologiques, notamment parce qu’elle agit sur les dépressions et les anticyclones.
Parmi les effets importants de la force de Coriolis, notons l’apparition d’un type d’ondes dans l’atmosphère et les océans de la Terre, on trouve justement les ondes de Rossby. Ces ondes ont été découvertes au début du XXe siècle par le physicien suédois Carl-Gustaf Rossby (1898-1957) qui leur a donné son nom. Elles sont aussi appelées « ondes planétairesondes planétaires » parce qu’elles se manifestent à de très grandes échelles sous la forme de mouvements ondulatoires de la circulation atmosphériquecirculation atmosphérique ou océanique, comme le montre bien la vidéo ci-dessus.
Les physiciens solaires ont découvert des ondes de Rossby magnétiques dans le plasma de la fournaise de l’atmosphère solaire, et pour cause : la physique de cette atmosphère se déroule, comme dans le cas de la Terre, dans un référentiel en rotation.
Tout comme leurs cousines sur Terre, ces ondes de Rossby doivent influencer de façon non négligeable les caprices de la météorologiemétéorologie du Soleil. Elles devaient donc être en relation avec la formation des taches et des éruptions solaireséruptions solaires.
Pour prédire la météo sur une planète, nous observons les ondes de Rossby, de grands mouvements dans l’atmosphère, comme le courant-jet. Tout comme sur Terre, les conditions sur le Soleil changent constamment. C’est pourquoi les scientifiques ont été ravis de découvrir les ondes de Rossby sur le Soleil il y a quelques années. Sur le Soleil, les ondes sont entraînées par des courants magnétiques situés sous la surface. La surveillance de ces ondes et des perturbations qu’elles génèrent pourrait nous aider à faire de meilleures prévisions météorologiques spatiales à long terme. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © Goddard Space Flight Center de la Nasa, Genna Duberstein
Munis de ces prolégomènes, revenons à l’article de Solar Physics.
Si le cycle de Schwabe tous les 11 ans environ et les inversions magnétiquesinversions magnétiques du Soleil qui l’accompagnent ont été découverts en premier, on connaît d’autres cycles et fluctuations rythmiques de l’activité solaire. Il existe une théorie proposée à partir des années 1950 comme quoi ces deux premiers cycles sont précisément en relation avec des effets de résonance de la force de gravitégravité exercée par certaines planètes sur le Soleil. Cette théorie est notamment suggérée par le fait que la période orbitalepériode orbitale de Jupiter est précisément aussi d’environ 11 ans et qu’en outre tous les 11,07 ans, des forces de marée importantes sur le Soleil se produisent lorsque VénusVénus, la Terre et Jupiter sont alignées. Ceci est comparable à une marée de printemps sur Terre lors d’une nouvelle ou d’une Pleine LunePleine Lune.
Frank Stefani de l’Institut de dynamique des fluides du HZDR est un partisan de cette « hypothèse planétaire » qu’il tente de valider depuis des années.
Des ondes de Rossby excitées par des forces de marée
Dans le communiqué du Helmholtz-Zentrum Dresden-Rossendorf expliquant son travail avec ses collègues, Frank Stefani explique pour le Soleil : « Vous pouvez le considérer comme une gigantesque dynamo. Alors que cette dynamo solaire génère à elle seule un cycle d’activité d’environ 11 ans, nous pensons que l’influence des planètes intervient alors dans le fonctionnement de cette dynamo, lui donnant une petite impulsion à plusieurs reprises et forçant ainsi le rythme inhabituellement stable de 11,07 ans sur le Soleil. »
En fait, ces chercheurs avaient déjà apporté une preuve convaincante de la validité de l’hypothèse planétaire, mais sans que ce soit décisif et surtout sans apporter d’explication à son existence. C’est chose faite justement aujourd’hui, « nous avons maintenant trouvé le mécanisme physique sous-jacent. Nous savons quelle quantité d’énergieénergie est nécessaire pour synchroniser la dynamo, et nous savons que cette énergie peut être transférée au Soleil par ce que l’on appelle les ondes de Rossby. Ce qui est formidable, c’est que nous pouvons désormais expliquer non seulement le cycle de Schwabe et les cycles solaires plus longs, mais aussi les cycles de Rieger plus courts que nous n’avions même pas envisagés auparavant », explique encore Stefani.
Les astrophysiciensastrophysiciens ont en effet calculé que les forces gravitationnellesforces gravitationnelles lors des grandes marées de deux des trois planètes, Vénus, Terre et Jupiter, avaient exactement les bonnes propriétés pour activer les ondes de Rossby. Tous les cycles solaires peuvent maintenant être calculés sur cette base.
Dans l’espace, l’observatoire de dynamique solaire de la Nasa, ou SDO, garde un œil sur notre étoile la plus proche 24 heures sur 24, 7 jours sur 7. Le SDO capture des images du Soleil dans 10 longueurs d’onde différentes, chacune d’entre elles permettant de mettre en évidence une température différente de la matière solaire. Dans cette vidéo, nous découvrons les images du Soleil prises par le SDO avec un niveau de détail sans précédent. Présentée en ultra-haute définition, la vidéo présente la danse de la matière ultra-chaude sur notre étoile source de vie avec des détails extraordinaires, offrant une vue intime des grandes forces du Système solaire. © NASA’s Goddard Space Flight Center
Les calculs montrent même que ce serait la superposition des trois cycles courts de Rieger qui produit automatiquement le cycle de Schwabe. Ils permettent aussi de retrouver les 193 ans d’un autre cycle observé, le cycle de Suess-de Vries.
Frank Stefani invite tout de même à la prudence à la fin du communiqué du HZDR sur la question de savoir si l’hypothèse planétaire est maintenant complètement validée : « nous n’en serons probablement certains à 100 % que lorsque nous disposerons de plus de données. Mais les arguments en faveur d’un processus cadencé par les planètes sont désormais très solidessolides ».