C’est désormais acté. La victoire de Donald Trump est écrasante : majorité populaire, majorité au Sénat et probable majorité à la Chambre des représentants. Avec le soutien de la Cour suprême, Trump a tous les feux au vert pour satisfaire la vision de colonisation martienne de son plus grand soutien, Elon Musk.
Les effets sur le spatial civil américain risquent d’être très douloureux et de nombreux programmes pourraient disparaître. Cela incarne le soutien d’Elon MuskElon Musk à Donald Trump, dont les bureaux pourraient bien être voisins à la Maison Blanche. L’observation de la Terreobservation de la Terre, l’astronomie et autres programmes scientifiques risquent d’être sacrifiés au profit du vol habité, de la Lune et de Mars. Le retour du Trump au pouvoir, appuyé par la vision d’Humanité multiplanétaire de Musk, va renforcer la position des États-Unis en tant que leader de l’exploration spatiale face aux appétits chinois. Mais ce n’est pas gratuit.
Le Starship dans le discours de victoire
Elon Musk aura sa part. Mais, cinq minutes d’éloges de Trump sur le Starship, StarlinkStarlink et SpaceXSpaceX dans son discours de victoire ne suffiront pas à rembourser les 110 millions de dollars donnés par le milliardaire. Sans aucun contre-pouvoir, Elon Musk pourra assouvir sa soif de vengeance contre les institutions, notamment celles qui freinent l’expansion de SpaceX et sa vision de colonisation martienne, comme la FAA et la FCC.
La Nasa va continuer de reposer le programme Artemis sur les capacités du Starship, bien qu’une multitude de défis techniques reste encore aujourd’hui non résolus. On se doute aussi que SpaceX bénéficiera de contrats bien juteux avec la défense.
Pour raison de conflits d’intérêts évidents, Elon Musk ne prendra pas la tête de la Nasa. Mais, avec le projet 2025 porté par la très influente « Heritage Foundation », soutien et conseillère de Trump, toute contestation de Musk pourrait être purgée et les critiques remplacées par des loyalistes pro-Trump et pro-Musk.
Exit la science
La Nasa risque une crise de sens comme elle n’en a jamais connu. Bien entendu, Bill Nelson et Pam Melroy démissionneront de leurs postes d’administrateurs. Ils seront accueillis à bras ouverts comme consultants chez AmazonAmazon, Blue Origin, Vast ou Axiom Space. Pour les remplacer, on peut imaginer des profils ayant travaillé à la fois à la Nasa et chez SpaceX comme Bill Gerstenmeier, à l’origine du sauvetage de SpaceX de la faillite en 2009 avec l’achat de cargos Dragon pour la Station spatiale internationale (ISS).
La priorité de la Maison Blanche sera sans doute de renforcer le budget de la Nasa dédié à l’exploration spatiale habitée. Pour compenser, il faut s’attendre à une forte diminution des budgets dédiés aux missions de satellites d’étude du climat, ou de l’Univers, avec le report ou l’abandon de nombreux projets de missions futures. L’effort avait d’ailleurs déjà légèrement commencé sous l’administration Biden, qui a décidé de mettre fin aux opérations du télescope spatial Chandratélescope spatial Chandra (observation de l’Univers En rayons Xrayons X).
L’arrivée de Musk à la tête d’une commission d’audit de l’efficacité des agences et institutions fédérales, promis par Donald Trump, risque de briser de nombreux plafonds de verre. D’une part, tous deux réorganiseront les priorités des agences, en mettant notamment au second plan les impacts environnementaux, dont le suivi freine actuellement les progrès du Starship. D’autre part, on connaît la faculté d’Elon Musk à tout remettre en question, si bien qu’on peut se demander à quoi va servir la Nasa à l’avenir.
Le retour du spatial nationaliste
ISS et GatewayGateway ne sont plus que des amitiés internationales de vitrine. Le retour de Trump renforce les visions d’autonomieautonomie stratégique et de souveraineté. C’est déjà le cas en Inde, dont le gouvernement nationaliste décuple les ambitions de son programme spatial. Il en est de même avec les Émirats arabes unis et l’Arabie saoudite, qui souhaitent être le moins tributaires possible des Américains.
En Europe, l’ESAESA et l’UE vont devoir jongler entre leurs budgets et le repli des budgets nationaux sur les programmes spatiaux militaires, surtout si les États-Unis réduisent leur soutien à l’Otan et à l’Ukraine. La conférence ministérielle budgétaire de l’ESA de 2025 s’annonce déjà houleuse, car elle est encore trop proche pour qu’on ait le temps de gérer la cacophonie à venir.
Vers une scission entre Musk et Trump ?
Il demeure toutefois certaines incertitudes. La colonisation martienne devra d’abord attendre que les guerres en Ukraine et au Proche-Orient soient réglées. Les deux coûtent cher aux États-Unis et elles ne se résoudront pas en un jour (comme le promet Trump), car les deux conflits ont eu le temps de se régionaliser et de se mondialiser avec l’arrivée du l’Iran et de la Corée du Nord, face à qui les Américains ne peuvent en aucun cas se retirer.
Enfin, la Maison Blanche pourrait bien baigner dans un bouillonnante compétition de charisme entre Trump, Musk, le complotiste RFK Jr, et le vice-président Vance, qui pourrait bien prendre les rênes par intérim si Donald Trump devient trop vieux pour rester à son poste. De plus, c’est Vance qui sera à la tête du programme spatial américain, en qualité de vice-président. Tolérera-t-il de se faire dicter sa politique par l’extravagant Musk ? Trump aura-t-il assez d’influence pour canaliser cette ambiance de Games of Thrones à la Maison Blanche ? À suivre…