Andreas Mogensen a passé six mois à bord de la station spatiale internationale de septembre 2023 à mars 2024. Il était à l’occasion le premier Européen à piloter le vaisseau Crew Dragon de SpaceX et il a pu commander l’ISS. Il nous livre un entretien exclusif.
Quand Futura retrouve l’astronaute danois Andreas Mogensen à l’occasion des journées portesportes ouvertes du centre technique de l’Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne (Estec) aux Pays-Bas, on tombe sur un homme heureux d’être sur Terre et détendu, car la phase d’après-vol de sa mission Huginn touche à sa fin. Quelle est la suite pour lui ? Travailler en tant qu’astronaute dans ce monde de l’astronautique en pleine révolution.
Futura : Vous avez été commandant de l’ISS au cours de votre vol. Quelles sont les vraies différences avec le reste de l’équipe dans la station ?
Andreas Mogensen : Il n’y a pas vraiment de différence quand tout va bien, car nous sommes sept astronautes très bien entraînés, très motivés et doués, qui travaillons ensemble en équipe. Nous nous complétons les uns des autres. À ce moment-là, le rôle du commandant est surtout de s’assurer que tout le monde est content, travaille bien, et que la charge de travail correspond bien aux disponibilités et aux capacités de l’équipe. Cela implique donc d’avoir une vue d’ensemble et de faire la liaison avec le directeur de vol au centre de contrôle à Houston, de s’assurer que tout le monde est à la même page et que tout est fait selon le plan.
Futura : L’augmentation d’alertes de collision ou de conjonction entre l’ISS et un débris spatial vous a-t-elle dérangée ?
Andreas Mogensen : Nous avons eu une expérience intéressante. Un jour, on nous a annoncé que la Nasa avait découvert que deux satellites étaient sur le point d’entrer en collision : l’un était un de ses satellites scientifiques et l’autre était un ancien satellite russe ou soviétique inactif. Les éphémérides indiquaient qu’ils allaient passer à six mètres l’un de l’autre, mais avec une marge d’erreur trop importante. S’ils entraient en collision, cela aurait créé un nuagenuage de débris qui aurait croisé la route de l’ISSISS pendant deux à trois jours ! Pendant des heures, nous avons attendu de savoir si la collision allait avoir lieu ou non. Heureusement, il n’y a pas eu de collision, mais nous étions un peu sous tension, car nous n’aurions rien pu faire s’ils s’étaient percutés.
Futura : Les manœuvres anticollisions entre l’ISS et un objet sont en nette augmentation…
Andreas Mogensen : C’est le plus grand risque pour la station, mais c’est aussi un risque pour les autres satellites et nous devons être de plus en plus alertes aujourd’hui. Si on lance quelque chose dans l’espace, il faut prévoir comment s’en débarrasser. La plupart des pays savent qu’il faut agir avec responsabilité dans l’espace pour minimiser le problème des débris spatiaux, car ça ne concerne pas seulement l’ISS.
Andreas Mogensen : À bord de la station, nous formons tous une équipe unie. Nous travaillons ensemble avec des buts communs qui sont d’explorer l’espace, de pousser les frontières et d’acquérir plus de savoir sur l’Univers et notre Planète. Donc, il n’y a eu aucun problème dans la station. Ce qui est assez bizarre, c’est qu’après avoir passé six mois en orbite, on se sépare très rapidement sur Terre, car on doit vite revenir auprès de nos agences spatiales respectives.
Futura : Sophie Adenot et ses quatre collègues s’entraînent actuellemment à Houston, neuf astronautes de réserve vont entamer un premier entraînement tandis que l’un d’eux, le Suédois Marcus Wandt, a déjà volé et qu’un autre, le Polonais Slawosz Uznanski, s’apprête à le faire. Pourquoi est-ce que la présence des astronautes européens se multiplie-t-elle ?
Andreas Mogensen : Cela reflète l’augmentation des vols privés ou commerciaux. Il y a dix ans, cette opportunité n’existait pas et le vaisseau SoyouzSoyouz était la seule voie d’accès. Aujourd’hui, il semble qu’il y ait davantage de possibilités et plusieurs astronautes réservistes pourraient avoir l’occasion de voler. C’est intéressant, car la première fois que l’on a évoqué la création d’un corps de réserve il y a quatre ans, j’aurais pensé qu’ils ne voleraient jamais.