La Voie lactée transforme cette galaxie qui la frôle en méduse cosmique

Le Grand Nuage de Magellan (en anglais Large Magellanic Cloud ou LMC) fait régulièrement l’objet de recherches et de publications. C’est une galaxie naine de type spirale barréespirale barrée (on a longtemps cru qu’elle était de type irrégulière selon la classification de Edwin HubbleEdwin Hubble), appartenant au Groupe local et située dans l’hémisphère Sudhémisphère Sud, dont on débat encore parfois pour savoir s’il s’agit d’une galaxie satellite de la Voie lactée, ou pas. C’est en tout cas la troisième galaxie la plus proche de la Voie lactée, après les galaxies naines du Grand ChienChien et du Sagittaire et la quatrième plus massive du Groupe local après la galaxie d’Andromède (M31), la Voie lactée et la galaxie du Triangle (M33). Son diamètre est d’environ 14 000 années-lumièreannées-lumière et sa distance à notre Galaxie est estimée à environ 163 000 années-lumière, ces chiffres étant variables selon les équipes de chercheurs et au cours du temps.

Souvent, quand il s’agit de parler du LMC c’est à propos de la fameuse supernova SN 1987A survenue comme son nom l’indique en 1987 et qui a permis de valider certaines des prédictions théoriques concernant les supernovaesupernovae en détectant le flux de neutrinos attendu pour ce genre de catastrophe cosmique.

Les observations nous donnent de bonnes raisons de penser que le LMC est en interaction avec le halo de gazgaz de la Voie lactée dans lequel il fonce à grande vitessevitesse. Une équipe de chercheurs vient de se pencher à nouveau sur cette question en utilisant le télescopetélescope Hubble. Il en a résulté une publication dans l’Astrophysical Journal Letters dont on peut trouver une version en accès libre sur arXiv.


Voyage à travers le Grand Nuage de Magellan, une galaxie satellite à 160 000 années-lumière de la Voie lactée, grâce aux observations du satellite Herschel de l’ESA notamment, et dans l’infrarouge. Ce voyage est également l’occasion de traverser le gaz, la poussière et les étoiles qui composent l’essentiel observable d’une galaxie. Les couleurs utilisées ne sont pas réelles, l’infrarouge étant invisible, mais néanmoins calibrées en fonction de la luminosité des objets observés. Les teintes bleues représentent des lumières visibles. Les teintes vertes et rouge-rosé représentent l’infrarouge. Les teintes jaunes représentent le gaz. © Novae Factory

Un laboratoire pour étudier les interactions entre galaxies

Hubble nous a montré depuis des décennies qu’il existe des collisions de galaxies dans l’UniversUnivers et ces collisions jouent un rôle dans leur évolution, surtout quand il y a une fusionfusion entre deux grandes galaxies spiralesgalaxies spirales, ce qui donne des galaxies elliptiquesgalaxies elliptiques, comme M87.

En raison de sa proximité à la Voie lactée, son interaction avec le LMC est en quelque sorte un laboratoire de choix pour étudier plus facilement et plus précisément ce qui se passe quand deux galaxies sont en collision, que cela conduise à une fusion ou plus simplement à des courants d’étoilesétoiles arrachés par les forces de maréeforces de marée quand les deux astresastres se frôlent.

Dans le cas présent, pour étudier l’interaction entre le LMC et le halo de gaz de matièrematière ordinaire et de matière noirematière noire entourant la Voie lactée, les astrophysiciensastrophysiciens avaient besoin de faire des observations dans une partie de la bande de l’ultravioletultraviolet (90-320 nm), partie accessible uniquement dans l’espace et avec les instruments du télescopes Hubble, en particulier le spectrographespectrographe des origines cosmiques (Cosmic Origins Spectrograph – COS).


L’astronome Remy Indebetouw décrit les Nuages de Magellan, deux fascinantes galaxies naines qui côtoient notre Voie lactée géante. Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © The National Radio Astronomy Observatory, A. Angelich, NRAO/AUI/NSF; ESO/NASA/JPL-Caltech/M. Kornmesser/R. Hurt; ESO/S. Brunier; Robert Gendler/Josch Hambsch; David L. Nidever et al., NRAO/AUI/NSF & A. Mellinger, LAB Survey, Parkes Obs., Westerbork Obs., Arecibo Obs.; Gurtina Besla; ESO/C. Malin; NASA/ESA/STScI; NCSA/NASA/A. Kritsuk/M. Norman/A. Boley

Les chercheurs ont mis à profit le rayonnement ultraviolet intense venant de 28 quasarsquasars brillants. Rappelons que les quasars sont des noyaux actifs de galaxiesnoyaux actifs de galaxies dont l’énergieénergie provient de l’accrétionaccrétion de la matière sur des trous noirs supermassifstrous noirs supermassifs en rotation, contenant plus d’un million de massesmasses solaires. Ce rayonnement permet de « voir » le gaz baryonique non lumineux des halos galactiques indirectement grâce à l’absorptionabsorption de la lumière de fond issue de ces quasars. En l’occurrence, COS a de cette manière été capable d’estimer la vitesse du gaz autour du LMC, ce qui a permis aux astrophysiciens de déterminer la taille du halo.

« C’est un exemple fantastique de la science de pointe encore rendue possible par les capacités uniques de Hubble. Ce résultat nous donne de nouvelles informations précieuses sur l’histoire complexe de la Voie lactée et de ses galaxies satellites proches », a déclaré au sujet de ce travail, dans un communiqué de l’ESA, Carole Mundell, directrice scientifique de l’Agence spatiale européenneAgence spatiale européenne.

Un décapage par pression dynamique

Les données de Hubble ont permis d’étudier un phénomène que l’on retrouve aussi dans les amas de galaxiesamas de galaxies et avec d’autres galaxies naines se déplaçant dans le halo de la Voie lactée et que l’on appelle le décapage par pressionpression dynamique (ram pressure stripping, en anglais). C’est un peu comme l’effet de l’écoulement d’airair que l’on perçoit quand on met la main en dehors d’une voiturevoiture en mouvementmouvement par une vitrevitre ouverte. En l’occurrence, la pression dynamique va avoir tendance à souffler le gaz dans les galaxies naines, qui se retrouvent appauvries. Cet effet est proportionnel au carré de la vitesse de déplacement d’une galaxie dans le milieu d’un halo et il est contrecarré par son contenu et sa densité en matière, qu’elle soit baryonique et normale ou sous forme de matière noire. Il crée un sillage de gaz qui suit une galaxie naine, comme la queue d’une comètecomète.

Dans le cas des amas de galaxies, cela conduit à ce que l’on appelle des galaxies méduses, Jellyfish Galaxy en anglais. Plusieurs exemples sont connus comme ESO 137-001.

Réexplication de la dynamique des galaxies naines situées au voisinage de la Voie lactée. © Observatoire de Paris – PS, CNRS

Dans le cas du LMC, il apparaît maintenant que son halo est d’environ 50 000 années-lumière de diamètre. C’est environ 10 fois plus petit que les halos d’autres galaxies de même masse que le LMC. C’est une surprise pour les astrophysiciens, mais c’est une chance car cette compacité est une information pour élucider certains détails de l’histoire de la rencontre du LMC avec la Voie lactée.

Le scénario évoqué laisse penser que le LMC vient de passer au point le plus proche de son orbiteorbite autour de notre Galaxie et sa masse, qui représente 10 % de la masse de la Voie lactée, lui a permis de garder une partie de son gaz originel.

« Le LMC est un survivant. Même s’il a perdu beaucoup de son gaz, il lui en reste suffisamment pour continuer à former de nouvelles étoiles. De nouvelles régions de formation d’étoiles peuvent donc encore être créées. Une galaxie plus petite n’aurait pas survécu – il n’y aurait plus de gaz, juste un ensemble d’étoiles rouges vieillissantes », déclare dans le communiqué de l’ESA Andrew Fox d’Aura/STScI pour l’Agence spatiale européenne à Baltimore – il était le chercheur principal dirigeant les observations du LMC avec Hubble.

Leave a Comment