La Nasa lance le 13 octobre à 16 h 12, heure de Paris (l’ouraganouragan Milton a obligé de décaler le lancement initialement prévu le 10 octobre), la sonde Europa ClipperEuropa Clipper pour une mission ambitieuse à destination de la lune Europe, l’une des plus fascinantes de Jupiter. Cette lune possède un océan interne, profond d’environ une centaine de kilomètres, qui pourrait être habitable. Europe représente la meilleure opportunité de découvrir de la vie dans le Système solaire, en dehors de la Terre et « au-delà de la zone d’habitabilité de notre Étoile, ce qui doit nous amener à repenser la notion de zone habitable », nous explique Athéna Coustenis, directrice de Recherche CNRS au Laboratoire d’études spatiales et d’instrumentation en astrophysiqueastrophysique (Lesia – Observatoire de Paris) et membre des équipes Juice et Europa Clipper.
Synergie entre les missions
Lancée sur un Falcon HeavyFalcon Heavy 9 de Space X et après un voyage de six ans et deux assistances gravitationnellesassistances gravitationnelles, Mars en mars 2025 et la Terre en décembre 2026, la sonde atteindra le système jovienjovien en avril 2030, six mois avant la sonde Juice de l’ESA qui, elle, lancée par une Ariane 5Ariane 5 en avril 2023 de Kourou, arrivera en juillet 2031.
C’est tout simplement « extraordinaire que deux missions, aux objectifs sensiblement similaires mais complémentaires, seront dans le voisinage de JupiterJupiter en même temps, permettant ainsi des observations synchronisées ». Cette configuration permettra d’effectuer des « mesures simultanées depuis deux points de vue différents, fournissant des informations stéréo sur les satellites de Jupiter et sa magnétosphèremagnétosphère ». De plus, Juice réalisera « deux survolssurvols d’Europe, permettant à la sonde de la Nasa de revisiter les mêmes régions pour observer d’éventuels changements ou activités ».
“Bien qu’elles partagent ce même objectif fondamental, elles se concentrent sur des types d’habitats potentiels très différents”
Ces deux sondes, sont complémentaires dans leur « objectif d’explorer les conditions d’habitabilité de leurs cibles respectives : GanymèdeGanymède pour Juice et Europe pour Europa Clipper ». Bien qu’elles partagent ce même objectif fondamental, elles « se concentrent sur des types d’habitats potentiels très différents ».
Deux catégories d’habitats
1. Europe
L’océan d’Europe est en contact avec le manteaumanteau rocheux, ce qui est crucial pour la formation de la vie sur Terre, car cela génère des sources d’énergieénergie hydrothermales. De plus, des moléculesmolécules organiques, issues de comètescomètes ou d’astéroïdesastéroïdes, pourraient tomber sur Europe, fournissant de la matièrematière organique qui pourrait se frayer un chemin jusque dans son océan. Ainsi, on peut envisager un environnement où trois éléments essentiels à la vie se rencontrent : l’eau liquideliquide, une source d’énergie, et de la chimiechimie organique.
2. Ganymède
Bien qu’il abrite également un océan, celui-ci est piégé entre deux couches de glace. Une interrogation clé est de savoir si des molécules organiques peuvent traverser l’épaisse couche de glace pour atteindre l’océan en dessous, et si cet océan possède également une source d’énergie. Cela pose un défi à l’habitabilité potentielle de Ganymède.
Objectifs scientifiques
Les avancées scientifiques attendues de ces deux missions sont nombreuses : « caractérisation des océans sous la surface, détermination du transport de matières organiques dans ces océans, compréhension de la formation du système jovien et du Système solaire en général, ainsi qu’un éclairage sur l’émergenceémergence de mondes habitables – ce qui ne signifie pas nécessairement habités – très loin du soleilsoleil ». Ces découvertes sont au cœur des raisons du développement de Juice et Europa Clipper.
On s’attend également à des informations sur la « formation du Système solaire externe ainsi que sur la dynamique de la perte des anneaux de Jupiter », une planète qui s’avère être bien plus fascinante qu’on ne le pense habituellement. En effet, il est intéressant de noter que « si Jupiter avait été légèrement plus massive, elle aurait pu devenir une étoile à part entière ». Dans ce scénario alternatif, elle aurait alors « formé un système binairesystème binaire avec le Soleil où la vie n’aurait pas pu se développer car les conditions gravitationnelles et lumineuses dans un tel système seraient très différentes de celles que nous connaissons aujourd’hui ».
Le saviez-vous ?
Europa Clipper devrait également étudier les panaches de vapeur d’eau détectés par le télescope spatial Hubble. S’ils sont liés à l’océan interne d’Europe, les « scientifiques pourront en savoir plus sur la composition chimique de l’environnement potentiellement habitable d’Europe », voire détecter des molécules organiques qui pourraient être des biosignatures de la vie. Mais, il n’est pas « certain que la sonde de la Nasa puisse trouver des geysers sur son passage et les traverser, cela pourrait représenter des phénomènes saisonniers ».
Dans ce contexte, les missions Juicemissions Juice et Europa Clipper pourraient « non seulement enrichir notre compréhension de l’évolution de Jupiter, mais aussi éclairer les conditions qui ont permis l’émergence de la vie sur Terre » et améliorer nos connaissances sur la « formation des systèmes solaires et sur les environnements propices à la vie dans notre GalaxieGalaxie ».
Historique des missions
Il convient de noter que Juice et Europa Clipper dérivent du programme EJSM (Europa Jupiter System Mission)) de l’ESAESA et de la Nasa, qui prévoyait initialement deux orbiteurs autour de Ganymède (JGO) et Europe (JEO). Cependant, en raison de l’environnement radiatif intense autour d’Europe, les deux agences ont conclu qu’il n’était pas possible de satelliser une sonde autour de cette lune, conduisant à l’annulation de EJSM. Mais si le programme a été annulé, les objectifs sont restés et l’ESA a choisi Ganymède, tandis que la Nasa s’est focalisée sur Europe « avec une mission composée de survols plutôt qu’un orbiteur pour éviter de rester longtemps dans le voisinage de la planète géanteplanète géante ».
Avec Juice, l’ESA « visitera CallistoCallisto, l’objet du Système solaire comportant le plus grand nombre de cratères, et effectuera deux survols d’Europe, qui aideront à préparer des observations d’Europa Clipper ». Le satellite se mettra ensuite en orbiteorbite autour de Ganymède en 2032, d’où il « étudiera la surface glacée et la structure interne de cette lune, ainsi que son océan de subsurface ». Quant à Europa Clipper, elle effectuera une « quarantaine de survols d’Europe, à des distances variant entre 2 700 et 25 kilomètres de la surface, ce qui n’exposera pas trop ses servitudes et ses instruments au risque radiatif ».
Enfin, les observations menées par la mission JunoJuno de la Nasa, actuellement en activité dans le système Jovien, « permettront aux sondes Europa Clipper et Juice d’ajuster leur programme d’observation si besoin pour étudier des cibles d’intérêt comme des geysersgeysers, et les changements observés à la surface des trois satellites galiléens par Juno », conclut Athéna Coustenis.
Notes
Un autre enseignement de la mission EJSM a été que l’atterrissage sur la surface d’Europe n’est techniquement pas possible pour le moment. C’est très regrettable, car seuls des atterrisseurs en capacité de forer à travers la glace d’Europe, supposée très fine, pour atteindre l’eau liquide sont susceptibles de trouver des formes de vie sur Europe, si tant est qu’elles existent bien évidemment.