Un groupe d’astrophysiciensastrophysiciens mené par deux membres du mythique Caltech, en Californie (là où Oppenheimer et Feynman ont été professeurs), Adolfo Carvalho et Lynne Hillenbrand, vient de publier un article que l’on peut trouver en accès libre sur arXiv, dans lequel est renouvelée notre connaissance d’un astre qui intrigue les astrophysiciens depuis presque un siècle : l’étoile FU Orionis située dans la constellation d’Orion, à l’intérieur de la nébuleuse sombre Barnard 35 (un nuagenuage moléculaire et poussiéreux, et froid).
En effet, déjà en 1937 elle a soudainement augmenté sa luminositéluminosité des centaines de fois, faisant passer en un peu moins de 200 jours sa magnitude apparente de 16,5 à 9,6. Au début, les astronomesastronomes pensaient qu’ils assistaient à une sorte de nova, mais une étude plus poussée du phénomène, notamment avec des signatures spectrales, a montré qu’il n’en était rien, ce qui ouvrait la porteporte à de multiples interrogations.
Une nouvelle classe d’étoile variable
Ce qui est certain, c’est que la brusque augmentation de luminosité de FU Orionis l’a rendue jusqu’à 100 fois plus brillante que le Soleil et que le phénomène doit s’accompagner d’équivalents des éruptions solaireséruptions solaires mais, infiniment plus fortes.
Pendant des décennies, FU Orionis est restée un cas unique, mais en 1970, une étoile similaire – V1057 Cygni – a été découverte. On connaît maintenant une dizaine d’étoiles ayant manifesté le même comportement, rassemblées dans une nouvelle classe d’étoiles variablesétoiles variables, dite de type FU Orionis. Les FUors, comme on les appelle, sont maintenant bien connues des astronomes amateurs s’occupant des étoiles variables et qui sont membres de la célèbre Association américaine des observateurs d’étoiles variables (en anglais, American Association of Variable Star Observers, AAVSO).
FU Orionis, qui n’est qu’à environ 1 360 années-lumièreannées-lumière du Système solaireSystème solaire, est relativement facile à surveiller et, de fait, c’est bien ce que font des membres de l’AAVSO. Elle est également à portée des télescopestélescopes du DUAO de l’OCA.
L’Atacama Large Millimeter/submillimeter Array (en abrégé Alma) a observé FU Orionis pour la première fois en 2012, lors des premières opérations scientifiques. Même avec sa capacité de départ, Alma a pu confirmer que FU Orionis était en fait un système binaire. © Sebastian Perez
FU Ori, une protoétoile double ?
On sait aussi maintenant que FU Orionis est en réalité un système binairesystème binaire de jeunes étoiles et en particulier que l’étoile responsable de son comportement singulier est en fait une protoétoile de type T TauriT Tauri, pas encore arrivée sur la fameuse séquence principaleséquence principale, c’est-à-dire qu’elle tire son énergieénergie du processus d’accrétionaccrétion et de contraction gravitationnelle encore en cours et pas de l’allumage des réactions de fusion de l’hydrogène selon la chaîne proton-proton ou le cycle CNO. En fait, il semble bien que toutes les FUors soient associées à ce type de jeune étoile.
Le modèle actuel pour comprendre les brusques changements de luminosité des FUors a été développé principalement par les astrophysiciens états-uniens Lee Hartmann et Scott Jay Kenyon et il associe l’éruption de FU Orionis à un transfert de massemasse brusque d’un disque d’accrétiondisque d’accrétion vers une jeune étoile T Tauri de faible masse. Pour tester ce modèle et d’autres idées concernant FU Orionis, les astrophysiciens ont utilisé précédemment Alma et, aujourd’hui, ce sont les conclusions des analyses de certaines données collectées avec le télescope HubbleHubble qui sont à l’honneur !
Comme l’explique un communiqué de la NasaNasa les observations ont été réalisées avec les instruments COS (Cosmic Origins Spectrograph) et STIS (Space Telescope Imaging Spectrograph) du télescope Hubble. Les données comprennent les premiers spectresspectres dans l’ultravioletultraviolet lointain et dans le proche ultraviolet de FU Ori et elles concernent la façon dont la matièrematière formant le disque d’accrétion autour de la proto-étoileproto-étoile T Tauri tombe sur sa surface. Hubble avait la possibilité de faire un zoom au plus près de cette surface pour voir les structures et les phénomènes présents produisant du rayonnement ultraviolet.
L’équipe d’astrophysiciens a alors découvert avec surprise que la partie interne du disque touche bien l’étoile, comme le prédisaient les modèles, mais elle est extraordinairement chaude, plus qu’on ne le prévoyait, ce qui remet en cause les idées reçues concernant les étoiles de type FU Ori.
Une température deux fois supérieure aux prédictions
En effet, si pour des proto-étoiles ordinaires de type T Tauri sans étoiles compagnes, le disque d’accrétion ne touche pas directement l’étoile car il est limité par la pressionpression extérieure du champ magnétiquechamp magnétique de l’étoile, il ne devait pas en être de même pour les FUors, et c’est bien ce qu’a donc confirmé Hubble, au moins dans le cas de FU Orionis.
Mais, comme le précise dans le communiqué de la Nasa Adolfo Carvalho au sujet de la partie interne du disque d’accrétion, « la température y est de 16 000 kelvinskelvins (près de trois fois la température de surface de notre Soleil). Cette température torride est presque deux fois supérieure à celle calculée par les modèles précédents. Cela nous met au défi et nous encourage à réfléchir à la manière dont un tel saut de température peut être expliqué ».
Dans le cas d’un système binaire avec un courant de matière provenant d’une des étoiles vers l’autre, le disque d’accrétion est plus massif, de sorte que – comme l’explique toujours le communiqué de la Nasa – « les disques d’accrétion autour des objets FU Ori sont cependant sujets à des instabilités en raison de leur masse énorme par rapport à l’étoile centrale, des interactions avec un compagnon binaire ou de la chute de matière. Une telle instabilité signifie que le taux d’accrétion de masse peut changer radicalement. L’accélération perturbe l’équilibre délicat entre le champ magnétique stellaire et le bord intérieur du disque, ce qui conduit à un rapprochement de la matière vers l’intérieur et à un contact éventuel avec la surface de l’étoile ».
Pour en savoir plus, des travaux supplémentaires sont en cours avec toujours des observations dans l’ultraviolet avec Hubble et concernant des raies d’émissionémission spectrales de plusieurs éléments chimiqueséléments chimiques présents, raies qui peuvent servir de traceur pour la composition et les mouvementsmouvements de matière dans l’environnement de FU Orionis et plus généralement des FUors.
« Beaucoup de ces jeunes étoiles sont spectroscopiquement très riches en longueurs d’ondelongueurs d’onde ultraviolettes lointaines. La combinaison de Hubble, de sa taille et de sa couverture en longueur d’onde, ainsi que les circonstances heureuses de FU Ori, nous permettent de voir plus profondément que jamais auparavant dans le moteur de ce type d’étoile fascinant », déclare Lynne Hillenbrand.