Des volcans étaient en éruption sur la Lune il y a seulement 120 millions d’années au temps des dinosaures !

Pendant longtemps, il y a eu un débat pour savoir si les cratères lunaires étaient d’origine volcanique ou le résultat d’impacts de météorites et d’astéroïdes. Les astronomesastronomes avaient émis l’hypothèse que les cratères lunaires étaient des restes de volcansvolcans éteints, notamment des caldeirascaldeiras. L’hypothèse qu’il puisse aussi s’agir de cratères d’impact de corps célestes a lentement commencé à gagner du terrain à la fin du XIXe siècle. Le débat s’est poursuivi jusqu’aux années 1950 mais les progrès de la conquête spatiale ont clairement démontré que les partisans des impacts avaient largement raison.

Toutefois, certaines des caractéristiques de la surface de la Lune font effectivement intervenir des processus volcaniques, comme le regretté volcanologuevolcanologue Haroun Tazieff le pensait. On le sait en particulier grâce aux missions ApolloApollo qui ont permis de ramener sur Terre des échantillons de roches lunaires que l’on continue à étudier aujourd’hui. Magiquement, il n’est pas nécessaire 50 ans après les missions Apollo (États-Unis), Luna (URSS) et VikingViking d’être membre d’un laboratoire de recherche de classe mondiale pour posséder des météorites lunaires ou martiennes ni d’être millionnaire. Il est possible d’en acquérir pour quelques dizaines d’euros chez des fournisseurs sérieux comme Luc Labenne, Alain et Louis Carion ou Jean Redelsperger.

Le saviez-vous ?

En 1610, lorsque l’astronome italien Galilée tourne sa lunette vers la Lune, il découvre ce que nous savons être des plaines basaltiques de lave lunaires qu’il prend pour des mers. Galilée les baptisa donc maria, d’après le mot latin signifiant « mers ». Quelques décennies plus tard, en 1665, le chimiste britannique Robert Hooke propose que les dépressions en forme de cuvette réparties sur la surface lunaire sont des volcans en raison de leur similitude avec les cratères des Champs Phlégréens en Italie. L’astronome français Pierre-Simon Laplace proposa au XVIIIe siècle que les météorites étaient des projectiles volcaniques éjectés des cratères lunaires lors d’éruptions majeures. Il n’était finalement pas si loin de la vérité puisque certaines météorites sont bien d’origine lunaire et volcanique bien qu’éjectées de la Lune par des impacts d’astéroïdes.

La Lune est née il y a environ 4,5 milliards d’années. Plus petite que la Terre, son stock d’éléments radioactifs, qui en se désintégrant dégagent de la chaleur, étant moins important, elle s’est refroidie plus vite et semblait après les missions Apollo être un astre mort où les dernières éruptions volcaniqueséruptions volcaniques s’étaient produites il y a plus d’un à deux milliards d’années. Aucune chance d’observer une activité comme celle de l’Islande en ce moment donc…

Mais en sommes-nous vraiment certains ?


Des volcans jeunes sur la Lune ? Pour obtenir une traduction en français assez fidèle, cliquez sur le rectangle blanc en bas à droite. Les sous-titres en anglais devraient alors apparaître. Cliquez ensuite sur l’écrou à droite du rectangle, puis sur « Sous-titres » et enfin sur « Traduire automatiquement ». Choisissez « Français ». © ScienceAtNASA

70 éruptions volcaniques en 100 millions d’années

Sur la face visible de la Lune, il existe des petites taches irrégulières morcelant les mers lunaires, appelées de leur nom anglais IMP, pour Irregular Mare Patches. Ce sont des régions constituées de roches basaltiquesbasaltiques plus jeunes que la dernière phase de formation des mers lunaires, survenue il y a 1 à 1,2 milliard d’années. Cet âge est estimé à partir du taux de cratérisation locale de la surface de notre satellite qui a été étalonné au moyen des roches ramenées par les missions lunaires. Moins la région étudiée est couverte de cratères, plus elle est jeune et on peut obtenir son âge en datant les roches formées au moment de la naissance de la région et en l’occurrence souvent la date de refroidissement de la lavelave des mers.

En 2023, un groupe international de géologuesgéologues et de planétologues américains et allemands avait publié dans Nature Geoscience un article qui confortait ce dont on se doutait depuis quelque temps déjà. En utilisant les images exceptionnelles prises avec les instruments de la mission Lunar Reconnaissance OrbiterLunar Reconnaissance Orbiter (LRO)), dont la résolutionrésolution est de l’ordre de 50 à 200 centimètres par pixelpixel, les chercheurs avaient réussi à dater plus précisément 70 IMP dont les tailles sont comprises entre 100 et 5 000 mètres. Il apparaissait qu’elles étaient le produit d’éruptions volcaniques survenues il y a moins de 100 millions d’années.

L’IMP la plus jeune était probablement celle que l’on trouve à côté du cratère Sosigenes ainsi nommé en 1935 par l’Union astronomique internationaleUnion astronomique internationale pour rendre hommage à l’astronome grec Sosigène d’Alexandrie. Ce cratère d’impact est bien visible au voisinage de la Mare Tranquillitatis et au nord la baie du Sinus Honoris. D’après les observations fournies par LRO, l’IMP de Sosigenes se serait formée il y a seulement 18 millions d’années, bien après la disparition des dinosaures sur Terre. Il semblait donc clair maintenant que la Lune est restée volcaniquement active bien plus longtemps qu’on le pensait et qu’elle pourrait probablement encore le redevenir dans un avenir proche, du moins à l’échelle géologique dont l’unité est le million d’années.

De LRO à Chang’e 5 en passant par Kaguya

Rappelons que le 16 décembre 2020, une capsule transportant près de deux kilos d’échantillons lunaires s’est posée en Mongolie. Elle rapportait sur Terre la matièrematière prélevée par la sonde chinoise Chang’e 5Chang’e 5 qui s’était posée dans la région de Mons Rümker au nord de l’océan des TempêtesTempêtes, en latin Oceanus Procellarum, la plus grande des mers lunaires. Faisant plus de 2 500 kilomètres selon son axe nord-sud, elle est située à l’ouest de la face visible de la Lune.

La sonde japonaise Kaguya de la Jaxa avait jadis fourni des images spectaculaires du survolsurvol sur orbiteorbite basse de l’océan des Tempêtes. Mais aujourd’hui, une équipe de chercheurs chinois vient de publier dans Science les résultats de leurs derniers travaux concernant la poursuite des analyses des 3 000 minuscules perles de verre découvertes dans les échantillons de régoliterégolite lunaire de Chang’e 5 dans Oceanus Procellarum, examinant les compositions chimiques, les texturestextures physiquesphysiques et les isotopesisotopes de soufresoufre de ces perles pour distinguer les verresverres volcaniques potentiels des verres produits par des impacts de météorites.

Ils ont finalement identifié trois perles comme étant d’origine volcanique, puis ont utilisé la datation radiométrique par la méthode UraniumUraniumPlombPlomb pour déterminer que les perles volcaniques se sont formées lors d’éruption il y a 123 ± 15 millions d’années.

Les sélénologues ajoutent que les perles volcaniques contiennent de grandes quantités de potassiumpotassium, de phosphorephosphore et d’éléments de terres raresterres rares, appelés KREEP qui est l’acronyme en anglais construit à partir des lettres K (le symbole atomique pour le potassium), REE (Rare Earth Element – Terres rares) et P (pour le phosphore), une composante géochimique de certaines brèches d’impact, basaltesbasaltes ou noritesnorites fondues découverts déjà dans les roches lunaires des missions Apollo. La caractéristique la plus importante des KREEP est une concentration accrue en éléments dits « incompatibles » (qui se concentrent en phase liquideliquide pendant la cristallisation du magmamagma) et produisant de la chaleur comme l’uranium, le thoriumthorium et de potassium.


Kaguya survolant le côté ouest de l’océan des Tempêtes, en latin Oceanus Procellarum. © Jaxa

Or il se trouve que le Procellarum KREEP terrane ou PKT (en français : le terrain KREEP de Procellarum) est une vaste zone lunaire située au niveau de l’Oceanus Procellarum et de la Mare Imbrium. Ce terrain est riche en KREEP et les analyses des échantillons rapportés par la mission Apollo 14 indiquaient un fort taux de thorium. Des planétologues en avaient déjà conclu que la richesse en cet élément devait exister aussi au sein de la croûtecroûte et/ou du manteaumanteau lunaire et qu’il y avait donc localement une source de chaleur importante est presque certainement responsable de la longévité et l’intensité du volcanismevolcanisme sur la face visible de la Lune à cet endroit.


Selene (SELenological and ENgineeering Explorer) ou Kaguya (かぐや) est la première véritable mission spatiale lunaire japonaise lancée le 14 septembre 2007. Elle s’est insérée sur orbite polaire circulaire de 100 kilomètres mi-décembre, entamant alors sa mission primaire d’une durée de 10 mois qui est prolongée de 8 mois. La mission s’achève en juin 2009 lorsque la sonde spatiale s’écrase volontairement à la surface de la Lune. Elle laisse des films impressionnants de son survol de la surface lunaire comme le montre cette série de vidéos. © Jaxa, NHK

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