Des terres émergées auraient déjà existé il y a 4 milliards d’années et cela change tout !

À quoi ressemblait la Terre il y a 4 milliards d’années ? Voilà une question à laquelle il est difficile de répondre. Si l’on sait qu’après sa formation, il y a 4,6 milliards d’années, la Terre était occupée par un océan de magma, de récentes études révèlent que la surface aurait très rapidement refroidi, débouchant sur une cristallisation complète en quelques millions d’années seulement. Des océans d’eau liquide se seraient alors formés, submergeant cette proto-croûtecroûte dont la nature était certainement bien différente des croûtes continentales ou océaniques qui forment l’actuelle écorce terrestre.

Cette histoire ancienne nous est relatée par l’analyse de quelques minérauxminéraux que l’on nomme zirconzircon. Leur résistancerésistance à l’altération fait que certains de ces minuscules grains formés à l’aubeaube de l’histoire terrestre ont pu parvenir jusqu’à nous. Or, leur composition chimique est révélatrice de l’environnement dans lequel ils se sont formés.

La Terre primitive, un monde océan ?

On sait ainsi qu’une première croûte continentale aurait commencé à se former il y a environ 4 milliards d’années, à partir de la fusion de cette proto-croûte. Les premiers continents seraient ainsi nés très tôt dans l’histoire de la Terre. Pourtant, ils seraient encore longtemps restés cachés sous les eaux. En 2021, une étude suggérait que les premières roches continentales seraient arrivées à l’émersion il y a 3,3 milliards d’années (voir l’article plus bas). Jusqu’à cette date, la Terre aurait donc ressemblé à un monde-océan, totalement bleu.

Une hypothèse qui vient d’être remise en question par une nouvelle étude, publiée dans la revue Nature Geoscience. Grâce à l’analyse de zircons retrouvés dans la formation de Jack Hills en Australie, une équipe de chercheurs a en effet mis en évidence que des terres émergées existaient déjà il y a 4 milliards d’années.

Des portions de terres émergées battues par les pluies

Les scientifiques ont en effet observé la nature des isotopesisotopes d’oxygène piégés dans les cristaux au moment de leur formation. Étonnamment, ils se sont rendu compte que ces minéraux possédaient une composition isotopique extrêmement légère. Or, la présence d’isotopes d’oxygène légers est typique d’une mise en contact entre le magma (à partir duquel vont cristalliser les zircons) et de l’eau douce infiltrée profondément dans la croûte. Impossible, cependant, d’avoir de l’eau douce dans le contexte d’un monde-océan. L’existence de ces zircons indique donc qu’il y a 4 milliards d’années existaient déjà des portions de croûte émergées, battues par la pluie.

Cette découverte est importante et renforce la théorie d’une Terre primitive froide permettant le développement rapide d’une hydrosphère et d’océans. Et donc, d’un développement précoce de la vie, potentiellement à peine 600 millions d’années après sa formation. La présence d’un cycle de l’eau et notamment de réservoirs d’eau douce présente d’ailleurs un intérêt particulier dans ce contexte des origines du vivant.

Des îlots qui auraient pu favoriser l’apparition de la vie très tôt dans l’histoire terrestre

Si les plus anciennes traces de vie que nous ayons retrouvées datent de 3,5 milliards d’années, il est certain que les premières cellules vivantes sont apparues plus tôt. Mais quand exactement, et dans quel milieu ? Si l’hypothèse d’une émergenceémergence du vivant au niveau de sources hydrothermalessources hydrothermales au fond de l’océan est souvent mise en avant, il existe également d’autres théories. L’une d’elles est que la vie aurait pu émerger dans de petites poches d’eau douce peu profondes présentes sur des terres émergées. Ces nouveaux résultats viendraient donc supporter cette hypothèse. À noter cependant que ces deux théories ne sont pas exclusives l’une de l’autre.


Le premier continent serait sorti des eaux beaucoup plus tôt qu’on ne le pensait

Article de Morgane GillardMorgane Gillard, publié le 22 novembre 2021

Si l’âge des premières roches continentales est sans cesse révisé en fonction des nouvelles données et datations, une autre question titille les scientifiques. Quand et comment les premiers continents ont-ils atteint la surface des océans ? Une nouvelle étude suggère que cette étape cruciale de la première émersion continentale serait survenue bien plus tôt qu’on ne le pensait, il y a 3,3 milliards d’années.

Comprendre la façon dont la première croûte continentale s’est formée est une problématique intensément débattue, principalement à cause du nombre très restreint de roches capables de témoigner de cet épisode précoce de l’histoire de notre Planète. Pourtant, la construction des continents a joué un rôle majeur pour l’établissement de la vie sur Terre, en offrant aux organismes primitifs des environnements favorables à leur développement.

Des continents sous les eaux

Si l’âge des plus vieilles roches continentales est estimé à plus de 4 milliards d’années, cela ne signifie pas pour autant qu’il existait à cette époque des zones de terres émergées. Car la constructionconstruction des continents a bien commencé au fond des océans. Et le temps qu’il a fallu pour que les premières massesmasses continentales arrivent à l’émersion est encore largement débattu, de même que les mécanismes ayant favorisé cette étape pour le moins cruciale. Le consensus actuel est que l’émergence subaérienne des premiers continents aurait commencé il y a environ 2,5 milliards d’années et aurait été associée à l’initiation de la tectonique des plaquestectonique des plaques.

Combien de supercontinents la Terre a-t-elle déjà porté ?

Actuellement, la tectonique des plaques est le moteur principal de l’élévation continentale, principalement grâce au mécanisme de subduction/collision. Une étude récemment publiée dans la revue PNAS et menée par des chercheurs australiens suggère que le premier continent serait sorti des eaux il y a 3,3 à 3,2 milliards d’années, c’est-à-dire 700 millions d’années plus tôt que ce que l’on supposait jusqu’à présent.

Les cratons, témoins de l’évolution des premiers continents

L’étude repose sur l’analyse de roches sédimentairesroches sédimentaires issues de cratonscratons d’âge archéenarchéen. Les cratons représentent les zones de croûte continentale les plus anciennes sur Terre et sont, de fait, les terrains de jeux des scientifiques étudiant la formation et l’évolution des premiers continents. Les auteurs se sont tout particulièrement penchés sur le craton de Singhbhum, présent dans la partie est de l’Inde mais qui pourrait avoir à l’origine été associé aux cratons d’Afrique du Sud et de l’Ouest de l’Australie.

Les roches sédimentaires étudiées sont issues de l’altération et de l’érosion des roches continentales originelles formées sous l’eau, et la datation des zircons par la méthode uraniumuraniumplombplomb a permis d’estimer leur âge à 3,3-3,2 milliards d’années. Mais ce qui a permis aux chercheurs d’élaborer leur nouveau modèle, c’est le fait que ces roches portent des traces témoignant de l’action du vent ou des vagues (des ripple-marks), prouvant l’existence de conditions subaériennes ou d’environnements marins peu profonds (plage ou plateau continentalplateau continental). Ce continent primitif aurait donc été émergé il y a plus de 3 milliards d’années, une époque où l’on suppose que la tectonique des plaques n’existait pas encore.

L’isostasie, moteur de l’émersion des premiers continents

Les auteurs de l’étude suggèrent donc un autre scénario pour expliquer cette émersion continentale précoce. Le craton de Singhbhum se serait formé sous la surface des océans, par empilement progressif de laveslaves, jusqu’à atteindre 50 km d’épaisseur. 300 à 400 millions d’années d’activité volcanique continue auraient ainsi été nécessaires pour construire ce plateau sous-marinsous-marin, futur continent. Mais comment cette croûte continentale primitive est-elle arrivée à l’émersion ? Les auteurs invoquent alors le principe d’isostasieisostasie, qui peut se représenter comme la poussée d’Archimèdepoussée d’Archimède appliquée au matériel terrestre.

Le manteaumanteau supérieur est dense, bien plus que les roches formant la croûte continentale. Si, dans un premier temps le poids du plateau magmatique en construction le fait s’enfoncer dans le manteau sous-jacent, les lois de l’isostasie font que celui-ci va avoir tendance à se rééquilibrer et à pousser le matériel continental, moins dense, vers le haut. Ce processus, qui s’affranchit de la tectonique des plaques, pourrait expliquer comment les premiers continents sont arrivés rapidement à l’émersion.    

Une nouvelle histoire géologique des continents est en train de s’écrire

Mais, qui dit terre émergée dit également création de zones de lagons et de zone côtières, des environnements peu profonds et protégés, propices au développement de la vie. De plus, l’érosion et l’altération de ce tout jeune continent aurait apporté une quantité significative de nutriments dans l’océan, comme du phosphorephosphore et d’autres éléments de base nécessaires au développement de la vie marine. Les chercheurs associent ainsi l’émersion continentale à une augmentation importante de la production d’oxygène. Cette étape aurait également eu comme effet de pomper le CO2 atmosphérique, engendrant des zones de climatclimat froid et la formation des premiers glaciersglaciers. Un premier pas essentiel vers l’habitabilité de la Terre.


Article de Céline DeluzarcheCéline Deluzarche publié le 28/04/2021

Quand s’est formée la croûte continentale, essentielle à la tectonique des plaques et à l’émergence de la vie sur Terre ? Les indices sont rares et reposent sur des méthodes peu fiables. Une équipe vient d’effectuer une nouvelle datation à l’aide de la barytine, qui repousse encore leur âge dans le temps.

La Terre est la seule planète connue où la tectonique des plaques est active, ce qui a permis l’émergence de terres et la formation de la biosphèrebiosphère. Différentes études ont établi que la tectonique des plaques a commencé entre vers la fin de l’HadéenHadéen il y a environ 4 milliards d’années et il y a 700 millions d’années. Une échelle de temps… pour le moins large. Car on manque cruellement d’indices.

Actuellement, la croûte continentale se forme par fusion partiellefusion partielle de roches du manteau ou des basaltesbasaltes océaniques dans les zones de subductionzones de subduction. Mais pendant l’Archéen (il y a plus de 2,5 milliards d’années), la Terre était beaucoup plus chaude et la croûte océaniquecroûte océanique en subduction atteignait sa température de fusion bien plus rapidement, avant même d’être « recyclée ». Du coup, il ne reste pratiquement aucune trace de cette croûte juvénile : moins de 7 % de la croûte continentale actuelle daterait de plus de 3 milliards d’années, selon une étude de 2020.

Il faut donc se tourner vers d’autres indices. Les méthodes actuelles de datation se basent principalement sur les isotopes du strontiumstrontium présents dans les carbonates marins. En effet, lorsque la croûte continentale est érodée ou altérée, elle ajoute dans l’océan des minéraux ou des nutrimentsnutriments qui vont précipiter dans les carbonates marins. Mais comme on l’a vu, au-delà de 3 milliards d’années, ces roches sont rares et sont susceptibles d’avoir été métamorphosées ou tout simplement altérées, de sorte qu’il est difficile d’en conclure quoi que ce soit.

La barytine, un véritable « registre océanique » pour reconstruire les évènements anciens

Une équipe de chercheurs vient donc de trouver une nouvelle méthode pour retracer la première émergence de roches anciennes : la barytine. Ce minéralminéral se forme à partir d’une combinaison de sulfates provenant de l’eau de mer et se mélangeant à du baryumbaryum provenant d’évents hydrothermaux. Contrairement aux carbonates, sa composition chimique et isotopique reste identique au fil du temps, constituant un véritable « registre océanique » permettant de reconstruire les évènements anciens, atteste Desiree Roerdink, géochimiste à l’université de Bergen, en Norvège, et auteure de l’étude présentée lors de l’assemblée générale de l’Union européenne des géosciences.

Roerdink et son équipe ont testé six gisementsgisements différents sur trois continents distincts, allant d’environ 3,2 milliards à 3,5 milliards d’années. Ils ont calculé le rapport des isotopes du strontium dans la barytine et, à partir de là, ont déduit le moment où la roche continentale s’est altérée dans l’océan et s’est incorporée dans la barytine. Ils ont établi que l’altération a commencé il y a environ 3,7 milliards d’années, soit 500 millions d’années plus tôt qu’on ne le pensait auparavant.

Une planète à nouveau noyée sous les eaux ?

De précédentes études remontent cependant encore plus loin, en se fiant aux zircons détritiques, des petits grains issus de l’érosion que l’on retrouve dans les roches magmatiquesroches magmatiques et utilisés pour dater les roches. « Les roches sédimentaires de Jack Hills (en Australie), déposées il y a 3 milliards d’années, contiennent par exemple des zircons détritiques dont les âges s’échelonnent entre 4 et 4,4 milliards d’années, c’est-à-dire à peine 170 millions d’années après l’accrétionaccrétion de notre Planète », précise Christian Nicollet dans la revue Biologie Géologie. Les gneiss d’Acasta au Canada, les plus vieilles roches connues à ce jour, dateraient même de 4,02 milliards d’années.

Toujours est-il qu’il ne se forme pratiquement plus de croûte continentale aujourd’hui, cette dernière étant juste « renouvelée ». « Cela suggère que les continents ne couvriront jamais la surface du globe. Mais en devenant de composition plus basique, ils pourraient un jour être submergés en s’alourdissant », conclut Christian Nicollet. La planète se retrouverait alors à nouveau noyée sous les eaux, comme elle l’était il y a 3 milliards d’années.


Article de Laurent SaccoLaurent Sacco publié le 10/07/2020

De nouvelles analyses de roches datant de plusieurs milliards d’années obtenues via une nouvelle méthode de géochimie isotopique ne cadrent pas avec l’un des mécanismes de production de la croûte continentale. Il faudrait chercher une autre explication, peut-être dans le cadre de la théorie de la tectonique des plaques.

Presque 50 ans après la constitution de la théorie de la tectonique des plaques, l’indispensable cadre permettant de comprendre les phénomènes géologiques depuis au moins un milliard d’années sur Terre, nous ne savons toujours pas vraiment comment les continents se sont formés ni quand la tectonique des plaques et leur dérive a débuté. Plusieurs éléments sont tout de même acquis.

Nous savons qu’il existe dans les continents des noyaux de croûte continentale qui peuvent remonter à presque 4 milliards d’années. On les appelle des cratons et ils contiennent fréquemment des cortèges de roches intrusives avec une composition granitique (quartzquartz et feldspath), mais ne contenant qu’une petite partie de feldspath potassique, nommés les tonalite-trondhjémite-granodioritegranodiorite ou TTG.


« La géochimie et la cosmochimie, c’est l’étude des éléments chimiques pour comprendre l’histoire de la Terre et des planètes… » Entretiens avec Manuel Moreira, professeur à l’Université Paris Diderot, et des membres de son équipe. © Chaîne IPGP

La tectonique des plaques et la genèse des continents

Nous savons aussi que, pendant l’archéen, la période géologique qui s’étend entre 4 milliards d’années et 2,5 milliards d’années, la Terre était plus chaude et avec un manteau plus convectif comme l’expliquait Futura dans le précédent article ci-dessous. Si des plaques tectoniquesplaques tectoniques existaient déjà alors, elles étaient probablement plus petites et animées de mouvementsmouvements de dérives plus rapides. La surface des continents, en tout cas émergée, était sans doute aussi nettement plus petite et elle était arasée par des pluies acides.

L’un des mécanismes proposés pour faire émerger la croûte continentale — qui n’est pas chimiquement homogène et qui est essentiellement constituée de roches magmatiques acidesacides (granitoïdes) et de roches métamorphiquesroches métamorphiques avec, par endroit, des stratesstrates de roches sédimentaires –, est la subduction d’une plaque océanique sous une autre. Une plaque océanique est composée de gabbrosgabbros et basaltes dans la partie crustale (la croûte océanique) et de péridotitespéridotites dans la partie mantellique (manteau lithosphériquelithosphérique).

Mais elle contient aussi des sédimentssédiments gorgés d’eau et, quand une plaque océanique s’enfonce dans le manteau, cette eau va abaisser le point de fusion des péridotites au-dessus de la plaque plongeant, ce qui va produire un magma particulièrement riche en silicesilice. En surface, on obtiendra alors des arcs volcaniquesarcs volcaniques avec des volcansvolcans crachant des laves visqueuses comme les andésitesandésites. Cette genèse des arcs contribue à former de la croûte continentale.


« Toutes les manifestations géologiques se comprennent maintenant très bien dans le contexte de la tectonique des plaques… » Entretiens avec Yves Gaudemer, professeur à l’Université Paris Diderot, et des membres de son équipe. © Chaîne IPGP

Des isotopes qui tracent la géodynamique

La géochimie est un des outils qu’utilisent les géologuesgéologues pour résoudre les énigmes persistantes de la tectonique des plaques et l’origine des continents. Aujourd’hui, elle a permis à une équipe internationale de chercheurs en géosciences de l’Université Libre de Bruxelles en Belgique, de l’Institut de Géochimie et Pétrologie en Suisse, de l’Université de Montpellier en France et menée par Luc-Serge Doucet de l’université Curtin à Perth, en Australie-Occidentale, de remettre en cause la subduction océanique comme origine des plaques continentales. C’est en effet la conclusion à laquelle sont arrivés ces chercheurs comme ils l’expliquent dans un article publié dans la revue Geology.

Les géochimistes ont mesuré avec une nouvelle méthode les isotopes du ferfer et du zinczinc dans les roches issues de cratons archéens provenant de la Sibérie centrale et de l’Afrique du Sud. Dans un communiqué de l’Université Curtin, Luc-Serge Doucet et ses collègues expliquent ce qu’ils ont trouvé : « Notre recherche a révélé que la composition chimique des fragments de roche n’était pas cohérente avec ce que nous voyons habituellement lorsque la subduction se produit. Si les continents étaient formés par subduction et tectonique des plaques, nous nous attendrions à ce que le rapport des isotopes du fer et du zinc soit très élevé ou très faible, mais nos analyses ont plutôt révélé que le rapport des isotopes était similaire à celui trouvé dans les roches produites sans subduction ». Si les chercheurs ont raison, il faut donc trouver un nouveau mécanisme de production de la croûte continentale.


Article de Laurent Sacco publié le 31/05/2014

Comment a débuté la formation de la croûte continentale ? En émergeant des océans il y a plus de quatre milliards d’années, à la façon de l’Islande, pensaient les géologues sans en avoir la preuve. La découverte d’un gneissgneiss de la célèbre région d’Acasta, dans le grand nord canadien, vient aujourd’hui de rendre cette hypothèse plus crédible.

La Terre n’a presque pas conservé d’archives géologiques de ses 500 premiers millions d’années, c’est-à-dire en gros la période géologique appelée l’Hadéen. Il semble bien cependant qu’entre -4,568 et -4,4 milliards d’années, notre planète a formé son noyau et son manteau, et qu’il a existé pendant un temps un gigantesque océan magmatique global.

Alors que le bombardement météoritique continuait de décroître, la Terre aurait commencé à former de la protocroûte continentale entre -4,4 et 4 milliards d’années, comme en témoignent les cristaux de zircons retrouvés dans des roches à Jack Hills en Australie. Quand l’Archéen a débuté, il y a environ 4 milliards d’années, on estime qu’il n’existait qu’entre 10 et 15 % du volumevolume de la croûte continentale actuelle. Mais durant cette période, qui prendra fin il y a environ 2,5 milliards d’années, une intense activité magmatique a conduit à l’extraction de près des trois quarts du volume de la croûte continentale à partir du manteau.


Quand les premiers continents se sont formés, des scènes similaires aux actuelles éruptions en Islande ont dû se produire, à l’image de celle-ci, œuvre du volcan Eyjafjallajökull. Si la dépression de l’Afar permet d’assister à la naissance d’un océan, l’Islande permettrait de remonter dans le passé pour observer la naissance de la première croûte continentale. © Marc Szeglat, YouTube

L’amnésie partielle de la Terre

Il y a de bonnes raisons de penser aussi, bien qu’il y ait encore débat, qu’une tectonique des plaques existait déjà pendant l’Archéen. Mais elle devait être différente de celle aujourd’hui à l’œuvre, par exemple dans la dépression de l’Afar explorée par Haroun Tazieff et ses collègues il y a 45 ans environ. La convectionconvection du manteau devait être bien plus active car notre planète était alors plus chaude. Il devait donc exister de nombreuses petites plaques océaniques et continentales.

Mais l’essor même de la tectonique des plaques, quelle que soit la date à laquelle elle a débuté, a contribué à effacer de la mémoire de la Terre les péripéties de l’Hadéen et du début de l’Archéen. Les collisions et les fracturations des continents, le métamorphismemétamorphisme des roches qui l’ont accompagnée, ainsi que l’érosion, ont fait disparaître ou dégradé les informations contenues dans les roches continentales. Quant à la croûte océanique, elle doit finir par subducter dans les profondeurs du globe pour y être recyclée en quelques centaines de millions d’années tout au plus. Actuellement, l’âge de quelques portions de l’est de la Méditerranée, vestiges de l’océan Thetys, remonte jusqu’à environ 270 millions d’années mais l’immense majorité des plaques océaniques globales contiennent des roches dont les plus âgées ne dépassent pas 200 millions d’années.

Les gneiss d’Acasta et les premiers continents

On a tout de même retrouvé des restes d’anciennes roches magmatiques (des granitoïdes) métamorphisées en gneiss à Amitsôq au Groenland. Selon les estimations des géochimistes, elles seraient âgées de 3,82 milliards d’années. Le site d’Acasta au Canada est lui aussi célèbre dans le monde de la géologiegéologie. Il contient des gneiss rubanés qui sont parmi les plus anciens morceaux de croûte continentale connus sur Terre à ce jour. Certains semblent même âgés de 4 milliards d’années. Remarquablement, un groupe de chercheurs vient de publier dans Nature Geoscience un article portant sur l’analyse d’un échantillon de gneiss d’Acasta qui jette une nouvelle lumièrelumière sur l’origine des premiers continents.

L’hypothèse était qu’ils avaient dû commencer à se former un peu comme l’Islande. En effet, la croûte dont elle est constituée est relativement proche d’une croûte continentale, bien qu’elle soit le produit de l’activité volcanique. Elle est plus épaisse qu’une croûte océanique standard et elle contient une grande quantité de roches riches en silice. Mais jusqu’à présent, les analyses géochimiques de ces roches islandaises ne montraient pas la proximité attendue avec les roches datées de l’Archéen.

Mais en découvrant et analysant le gneiss tonalitique en provenance d’Acasta, les géochimistes et les géologues de l’université de l’Alberta ont finalement trouvé une preuve à l’appui du scénario proposé pour modéliser l’origine de la croûte continentale. Baptisé Idiwhaa (ancien dans la langue des autochtones de la région d’Acasta), ce gneiss âgé de 4,02 milliards d’années montre un enrichissement en fer, des anomaliesanomalies négatives en europium et d’autres caractéristiques. Les abondances de terres raresterres rares et des isotopes de l’oxygène dans des zircons magmatiques ne correspondent pas à des roches ignées archéennes typiques. Elles sont en revanche très semblables à celles des roches sialiques de l’Islande. Pour la première fois apparaît donc une preuve directe que les premiers continents se sont probablement bien formés dans un contexte tectonique similaire à celui de l’Islande.

 

 

 

 

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